Les méchants peuvent-ils avoir raison ?
Enregistré le 30/04/2023 à l'occasion du festival L'Ouest Hurlant.
Cette table-ronde porte un titre volontairement provocateur en forme de question, soulevant pourtant des enjeux sociétaux et philosophiques forts. Car derrière la figure du « méchant », la fiction peut faire passer de nombreux messages aux lecteurices et aux spectateurices, remettre en question leurs valeurs morales, manipuler leur opinion et même gommer les frontières entre le bien et le mal.
Transcription :
Les méchants peuvent-ils avoir raison ?
Avec Benjamin de Bolchegeek, Justine Niogret, Julia Richard
Modération : JB
[Chaise qui racle le sol]
[Grincements]
[Musique et bruits de pages qui se tournent]
[Musique et carillons]
[Musique et bruits de vaisseaux]
[Tirs de pistolets laser - Pewpew]
[Bruits d'épées qui s'entrechoquent]
[Voix off] Les conférences de L'Ouest Hurlant, le festival des cultures de l'imaginaire…
[JB] Début manquant… De Mordred, des légendes arthuriennes mais cette fois-ci sous les traits du héros ; Justine, bonjour ! Nous avons également Benjamin Patinaud, que vous connaissez sans doute pour la chaîne youtube Bolchegeek, avec la petite voix, mais également et surtout, auteur du Syndrome magnéto, publié aux éditions du Diable Vauvert et qui rend hommage à tous ces félons plus ou moins bien intentionnés de la culture populaire ; Benjamin, bonjour ! Et pour finir, et non des moindres, nous avons Julia Richard qui, elle, explore le sujet plutôt au travers des différences de systèmes de valeurs que de l'absolu du méchant, à travers des œuvres telles que Faites vos jeux, un thriller psychologique en huis-clos qui était publié aux éditions du Héron d'argent - je crois que ce n’est plus disponible actuellement, malheureusement -, mais on peut citer également les oeuvres plus récentes comme Carne et, tout récemment, Paternoster, tous les deux publiés chez HSN, qui parlent respectivement de cannibalisme et d'aliénation des femmes ; bonjour Julia ! Alors, on en trouve de tous types, ils peuplent nos récits, les font vivre à leur façon et ils nous font réfléchir à la fois sur nos actions, mais aussi sur nous-mêmes. Car, à travers la figure du méchant, la fiction peut faire passer de nombreux messages et remettre en question nos opinions et nos valeurs morales, quitte à embrumer parfois la - ou les - frontière(s) entre le bien et le mal. C'est pourquoi nous essaierons ensemble de répondre à cette question : les méchants peuvent-ils avoir raison ? Et pour cela, je vais commencer par vous poser une autre question, à la fois très simple mais très vaste : pour vous, c'est quoi un méchant ?
[Justine N. ] Bonjour à tous et toutes. Qu'est-ce que c'est qu'un méchant pour moi ? Je n'ai pas de définition universitaire sur le truc, mais je pense que, pour moi, c'est quelqu'un qui agit et qui se moque totalement - voire qui profite émotionnellement - des répercussions négatives que ses actes peuvent avoir sur d'autres personnes.
[Benjamin P.] Pour moi, tout simplement, on pourrait dire que le méchant, c'est l'antagoniste, donc c'est le personnage auquel le héros va se confronter. Mais, dans le mot de “méchant”, il y a quand même l'idée que ce n'est pas juste quelqu'un qui, pour x raisons, va être un obstacle pour le héros ; il y a l'idée que c'est quelqu'un qui est maléfique. Il y a quelque chose de moral, quand même, dans l'idée de méchant et moi, je m'intéresse surtout à la pop-culture, donc forcément, c'est un rôle qui est extrêmement défini. C'est un des rôles, dans la pièce de théâtre, qui est forcément attribué dans ces récits, parce que ce sont quand même souvent des récits assez manichéens et ça se voit énormément avec, par exemple, les schémas type comic-book, où ce sont vraiment des rôles attribués : le super-héros, il lui faut un super-vilain, et c'est tout à fait clair pour tout le monde qui est le gentil, qui est le méchant au début de l'intrigue rien qu'à regarder, normalement, les costumes, les façons de s'exprimer, ou des choses comme ça. Donc voilà, pour moi un méchant c’est plutôt à ça que je pense quand je réfléchis au sujet.
[Julia R.] Je trouve ça chouette, parce que j'imaginais qu'on aurait tous un espace de consensus et en fait, je ne suis pas complètement d'accord avec toi, Benjamin. Je n'ai pas tendance à penser qu'un méchant est maléfique ; déjà, je dirais que c'est une figure, pas forcément une personne. Ca peut être un groupe de personnes qui est présenté comme une opposition face à une norme établie comme vertueuse. Pour moi, comme nous disait JB, j'ai l'impression qu’il n’y a pas forcément de méchant en soi, mais qu’on est tous un peu le méchant de quelqu’un, à notre façon.
[JB] Alors, du coup, justement, je vais rebondir un peu là-dessus : pourquoi les méchants sont des méchants ? Est-ce que c'est intrinsèque ? Est-ce que tout ça, ça n’est pas juste une excuse pour se dire que c'est une question de point de vue ?
[Julia R.] J'ai fait l'erreur de garder le micro [rires]. Tu nous demandes si c'est une excuse pour présenter des points de vue ? J'ai tendance à dire que ce n’est pas forcément une excuse, mais c'est quelque chose d'assumé, parce que sans méchant, il n’y a plus de confrontation, en fait. Les méchants font vivre les héros et je pense qu’on peut être méchant à une époque et pas forcément le rester tout du long. Par exemple, on peut le voir quand on réfléchit à l'agissement de nos parents ou de nos grands-parents. Il y a des choses pour lesquelles ils disent “c’était comme ça à l'époque !” et aujourd'hui, ça n'est plus du tout acceptable. Il y a des choses qui, aujourd'hui, sont considérées comme intolérables et profondément mauvaises, alors qu’à l'époque, c'était quelque chose qui n’était pas forcément bon, mais juste d’admis comme normal. Donc, oui, ce sont des questions de point de vue qui, pour moi, évoluent au cours des époques, des temps, des cultures, et puis même au sein d'une époque et d’un temps, d'une culture, les choses peuvent aller très, très vite.
[Benjamin P. ] Je suis assez d'accord avec tout ce que tu dis et je rajouterais quand même que c'est une question de point de vue [que de définir] qui est le méchant dans un récit, surtout dans un récit un peu manichéen où la distribution des rôles est assez claire. Il y a quand même un point de vue qui est un peu au-dessus de tous les autres, c'est le point de vue du récit, si ce n'est de l'auteur. Et contrairement à la vraie vie où, justement, c'est un peu l'histoire ou les points de vue de chacun qui vont définir qui on considère comme plutôt un gentil, ou plutôt un méchant, dans un récit, on est dans un univers où il y a comme une espèce de karma, une espèce de force cosmique qui fait qu’en général l'univers va donner tort au personnage qui est considéré comme un méchant, le punir, montrer que ses actions ont des conséquences néfastes ou qu'il n’aurait jamais dû faire ça ou ce genre de choses. Donc, il y a une facilité morale dans ce genre de récit qui est que l’on peut dire que le méchant perd toujours à la fin, ce qui n'est pas un truc qui se passe dans la vraie vie. Mais là où je suis complètement d'accord, c'est que, justement, dans la vraie vie ce n’est pas comme ça. Ce qui va être décrit, ou les personnes ou les groupes de personnes qui vont être mis à un moment donné dans un rôle de méchant, ne vont peut-être plus l'être au bout d'un moment, quand la société change, quand les mentalités changent. Ce qui est intéressant à regarder, je trouve, dans ce point de vue-là, c'est justement qui on met dans le rôle de méchant, à quel moment, et qui le met dans ce rôle. Et je trouve que cela dit beaucoup, évidemment, de l'époque, des auteurs et de leur vision du monde : qui ils vont choisir de stigmatiser et à qui ils vont essayer, tout au long de leurs récits, de prouver qu'ils étaient dans le faux.
[Justine N. ] Pour rebondir sur ce que vous dites tous les deux - et je suis assez d'accord - le méchant est une question de point de vue. Et justement, ce n'est peut-être pas ce que j'appelle un méchant ! Moi, à partir du moment où on peut exprimer et expliquer pourquoi on a fait certaines choses, pourquoi on a pris certaines décisions, pour moi, ça ne transforme pas la personne ou le personnage en méchant viscéral. Pour moi, quand je parle de méchants, c'est vraiment des gens qui, activement, font du mal, qui n'ont pas envie de changer, qui n'ont pas envie de se remettre en question et leur seul point de vue, en fait, c'est qu'ils apprécient de faire ça.
[JB] C'est une vision du méchant qui est vraiment très maléfique, dans le mal pur, on est d’accord ?
[Justine N.] Oui.
[JB] Mais justement, est-ce qu'on ne peut pas trouver plusieurs degrés de méchants? A savoir, est-ce qu'il y aurait pas des méchants qui seraient le mal pur, des méchants qui auraient une raison, ces artistes qui n'ont pas eu d'enfance et toutes les excuses qu’on peut leur trouver ?
[Justine N.] Justement, c'est super intéressant. J’ai écrit un livre sur les violences intrafamiliales et je crois que l'un des trucs qui me gêne, c'est qu’on aime tous les méchants, en tout cas dans les bouquins, dans les films, dans les séries, ou presque tous, mais on cherche souvent à expliquer pourquoi le méchant est devenu méchant. Et je trouve que dans la culture populaire, on héroïse beaucoup moins les enfants qui n'ont pas eu d'enfance et qui ont grandi en étant quand même gentils. On retrace peu le chemin des gens qui sont devenus des bonnes personnes d'un point de vue moral, alors qu'eux-mêmes ont vécu des horreurs.
[Benjamin P.] Ouais, que ce que tu décris j'appelle ça “le méchant orangina rouge”. C'est-à-dire que c'est le méchant - et je ne trouve pas que ce soit une mauvaise chose du tout le mal tautologique -, c'est le mal puisque c'est le mal, c'est comme ça. “Pourquoi il est méchant ?”, “Parce que”. C’est ça le truc de l'orangina rouge. Et, effectivement, il y a une tendance que je trouve intéressante, qui est qu’on va toujours essayer de rationaliser ce truc-là, même quand on part là-dessus. D’ailleurs le truc de l’orangina rouge, c’est une blague en fait, c'est inspiré des slashers où, vraiment, le méchant, c'est un croque-mitaine et juste il tue tout le monde. Par exemple, dans Halloween, le personnage est vraiment conçu pour être une espèce de trou noir humain ; il doit être terrifiant, parce qu’il est incompréhensible humainement. Et vous voyez les suites de ces films, où dès qu'ils font des préquels ou des trucs comme ça, il faut raconter son enfance, ou il s’est fait recalé de je sais pas quoi, ou il a subi quelque chose etc. Il faut absolument qu'on rationalise toujours ce truc-là, mais parce que, justement, c'est ça qui est terrifiant dans ce type de méchant. Et après, évidemment, je suis d'accord pour différents types de méchants ; moi, je les exclus presque de mon bouquin, parce que j'essaye de me concentrer sur ceux qui ont une cause ou qui ont des raisons compréhensibles, voire qui peuvent paraître légitimes d'être le méchant, et en fait ça ne dit pas du tout les mêmes choses, je pense, de ce qu'on essaie de raconter au travers de ces figures maléfiques. “Maléfiques” entre guillemets du coup.
[Julia R.] Je suis à nouveau d’accord avec vous, dans une certaine mesure. Ce que je trouve chouette, c'est que tu ouvres une question, Justine, sur le côté “justifier et excuser”, qui sont deux notions différentes et qu'on retrouve dans le droit en fait. Quand un criminel qui a fait des choses atroces a eu une enfance terrible, ça va être ce que l'avocat va aller plaider : “Vous comprenez, il a été abandonné par ses parents ; oui, on l'a laissé torturer des petits animaux, puis après il s’est mis à butter des humains, mais quand même, il a été très très malheureux, on lui mettait la tête dans les toilettes à l'école !”. Mais cela justifie, ça n'excuse pas. Il y a des questions de valeurs morales par rapport à ça. Mais sur les questions de degré, du coup, de méchants et de types de méchants, je ne vais pas dire que je reste campée sur le fait que on est tous le méchant de quelqu'un, mais est-ce qu’il y a tant une notion de malveillance ? Est-ce qu’il n’y a pas des méchants qui, quelque part, sont persuadés qu'ils sont vertueux, qui n'essaient pas d'être malfaisants et maléfiques, et qui essaient simplement de faire le bien ? On peut penser à des Magnéto, des choses comme ça, où finalement, dans leur univers à eux, ce sont les gentils. Et je reviens sur ce que disait Benjamin : il y a le point de vue du récit qui va aiguiller le public sur qui est le méchant et quel gentil en fait.
[Benjamin P.] J’ai un exemple là dessus, qui rejoint la discussion qu’on avait en off tout à l’heure, par rapport à ce point de vue du récit. Là où il y a une vertu à, justement, essayer d’expliquer et non pas d’excuser, c’est que dans le monde on peut considérer - moi je n’ai pas de problème à dire que certaines personnes c’est des méchants, enfin l’équivalent - qu’on pourrait considérer comme des méchants, qui ont des actes néfastes sur le monde, ça existe. Mais ça n’existe pas vraiment des gens qui font ça pour le mal, ça n'existe pas le Satan qui est là : “Ahaha, je veux juste faire le Mal, ça me fait trop trop plaisir !”. Pour moi, il y aura toujours un système de justification, et c’est comment on range ces rôles après, comment on les perçoit. Et l’exemple que je vais prendre est emblématique et fournit plein plein de méchants : c’est les nazis [rire]. Et oui, le point Godwin ça y est, c’était pour moi, il fallait le faire… [rires].
[JB ] On applaudit ! [applaudissements]
[Benjamin P.] Ça balance, voilà je critique le nazisme, c’est très courageux ! [rires] Là où je veux en venir c’est que, pour construire des méchants, par exemple en pop-culture, les associer au nazisme - et justement faire des points Godwin - c’est hyper efficace. Par exemple, dans Star Wars, dans l’Empire ils sont habillés comme des nazis et on se dit “C’est les nazis de l’espace, c’est les méchants !” et ça paraît évident. Mais en fait, cette esthétique, qui est reprise et qui nous signifie à nous que ce sont des méchants, quand les nazis l’ont utilisée, c’était au contraire pour donner envie : ce n’est pas une esthétique qui a été conçue pour dire “Regardez, on est des gens méchants et pas cools”. C’est une esthétique qui a été construite pour faire de la propagande et pour dire aux gens “Ca c’est stylé, ça c’est les gentils, nous on est les plus forts et on doit conquérir le monde et massacrer les gens qui sont des méchants”, et qui du coup sont complètement d’autres catégories, en fait. Et ça ce sont de vrais retournements ; il n’y pas d’absolu là-dedans. Tout le monde à ses justifications et se vit comme le héros du truc, et c’est ensuite au reste de la société de dire que “ça maintenant on n’en veut plus, et ça maintenant quand on le verra, quand on verra des gens qui ont cette gueule-là, qui ont ces discours-là, qui se comportent de cette façon-là, et bien pour nous ce sera des méchants maintenant”. Bon évidemment, là c’est un exemple qui est assez évident mais ça marche pour plein de trucs. Dans mon bouquin, je prends l’exemple de Mandela, qui est un personnage historique qui est plutôt considéré comme consensuel maintenant, on se dit “c’est un héros”, et en plus c’est un martyre puisqu’il a passé des années en prison, et ça paraît évident à beaucoup de gens - et encore heureux - que l’appartheid africain c’était une saloperie. Mais à l’époque, c’était pas le cas. Il n’y avait pas du tout consensus là-dessus. Il n’y avait pas consensus contre l’appartheid sud-africain et Mandela était considéré comme un terroriste par beaucoup de gens, et pas que par des fous furieux du régime en place : Margaret Thatcher considérait que c’était un terroriste, les pouvoirs en place du camps du bien occidental, de la liberté démocratique, considéraient que ce type-là était un méchant, était Magneto en fait. Et d'ailleurs, il était en prison pour des sabotages qui, maintenant on ne le pense plus comme ça, pour des sabotages qu’il assumait. “Oui, j’ai saboté des trucs, oui j’ai commis des actions illégales”, et à l’époque ça suffisait à dire que c’était autre chose. Mais nous on le considère maintenant comme un résistant, et c’est notre vision là-dessus qui a changé. C’est son système de justification qui a gagné contre celui de l’appartheid, du racisme et de la ségrégation.
[JB ] Une conférence engagée. [rires]
[Justine N.] Mais il y a justement un point sur lequel je vous rejoins tous les deux, puisqu'on a parlé du nazisme. [rire] Il y a, effectivement, je me suis un peu laissée emporter en disant qu'il y avait des nature méchante, ou, en tout cas, on a pu prendre ça comme ça. Par exemple, la Shoah par balles, qui est une abomination particulière. Les chambres à gaz ont été développées parce que les nazis qui tuaient les gens dans les fosses communes faisaient des dépressions à force de voir les gens. C'est tellement, dans notre système de gens relativement normaux, c'est tellement monstrueux. C’est à dire que c'est eux qu'on a voulu protéger de la fatigue nerveuse d'abattre des gens, c'est quand même particulier de dire : “On va être gentils, on va vous aider”.
[Julia R. ] Vous êtes venus voir de l'imaginaire et passer un bon moment ? [Avec Justine N.] C'est raté !
[Benjamin P.] Mais, ce genre de choses, ça existe encore, ce sont des choses qu'on retrouve encore.
[Justine N. ?] Mais ça, ça rejoint des questions sociales, c'est-à-dire quelles personnes on va sacrifier nerveusement pour le prix du capitalisme et des colonies, etc. C'est super gai ! Franchement, bravo la table ronde... Mais il y a : de qui est-ce qu'on va arracher l'avenir et les possibilités de vie pour des prises de position politiques, pour des prises de position économiques, pour tout ça.
[JB] Pour revenir sur des sujets un peu plus fiction, sympa, la vie est chouette [rires]. On l'a vu, c'est un peu aussi, c'est la société qui crée l'œuvre. C'est en fonction de ce qu'on a sur le moment. Mais on peut aussi se dire, effectivement, que les héros d'aujourd'hui peuvent être les méchants de demain et inversement. Mais aussi, on peut se demander dans quelle mesure l'auteur peut essayer de faire passer des messages, mais à travers le méchant, parce que ce ne sont pas forcément des messages qui sont acceptés aujourd'hui dans le rôle du gentil.
[Benjamin P.] Je me dis que c'est pas moi qui écrit de la fiction, donc je veux bien vous entendre là-dessus. Mais sur le point “Est-ce que le méchant peut être utilisé comme une figure de transgression ?”, ça, c'est quand même un point important, parce que là, effectivement, on parle d’un point de vue stigmatisant. On va considérer que c'est le méchant, donc là, il a tort. Là, on parle de méchants pour lesquels on va décider que ce sont des gens qui, par définition, ont tort. Il y a aussi le cas, et c'est celui qui m'intéresse le plus dans le bouquin, c'est les méchants pour lesquels on se dit : “Ah, il n'a peut-être pas tort”, mais du coup, pourquoi c'est toujours le méchant ? Et c'est là que ça devient intéressant.Il y a plusieurs façons de le traiter et je pense qu'on n’est pas dans la tête des auteurs et c'est là où, en fait, il n’y a pas de réponse toute faite. Mais ça peut autant être une façon de stigmatiser : vous allez prendre un thème, par exemple, l'archétype du méchant éco-terroriste, qui est un terme qui revient aussi dans le jargon du discours public. Il y a eu pas mal d'archétypes de méchants éco-terroristes, genre Poison Ivy qui défend la planète, la nature, tout ça, qu'on peut utiliser pour dire : “Ah d'accord, on tient compte du fait qu'effectivement il y a une question écologique”. Mais on va stigmatiser en fait le mouvement écolo, en tout cas le mouvement écolo radical, en lui donnant le rôle du méchant, en leur disant : “Ah d'accord, vous protégez la planète, mais quand même, vous voulez tuer tout le monde à Gotham, c’est pas très gentil, donc en fait, les écolos, vous êtes un peu des fous furieux”. D'ailleurs, ça sera intéressant de voir ce qu'on va avoir comme type de méchants éco-terroristes dans la pop-culture dans les années qui viennent.
[JB] Mais est-ce que vous condamnez la violence ? [rires]
[Benjamin P.] Vous plaisantez, j'espère… [rire] Ca peut être aussi une façon pour des auteurs de dire : ”Moi, j'ai envie de parler de cette question que je trouve brûlante”, et celui qui va apporter la contradiction, qui va agir, comme tu le disais, c'est le méchant ! Donc, en fait, l'espace de la subversion et de la transgression, c'est aussi un des rôles du méchant et c'est là où il est intéressant, et moi, je doute pas qu'il y ait des auteurs qui se disent : “Moi, j'ai, on va dire, ma vision la plus radicale possible. Je ne vais pouvoir l'exprimer que dans ce personnage, que je vais devoir quand même, au bout d'un moment, faire perdre, mais c'est lui qui va amener la problématique, c'est lui qui va amener la conscience”. Donc il y a ces deux choses qui coexistent. Il y a le même paradoxe, avec les questions de représentation, c'est-à-dire que, pour prendre des trucs très clairs où il y a vraiment des formes de censure par exemple, le fait de dire à Hollywood pendant un moment, quand il y a le code Hays ou des choses comme ça, que, par exemple, pas d'homosexualité à l'écran. On ne peut jamais dévier de la norme sur aucun point, que ce soit les normes sexuelles, les normes de genre, n'importe quoi. Bon, pour des créatifs qui veulent se sentir représentés à l'écran et dans les œuvres qu’ils créent, leur seul espace d'expression c'est le méchant. C'est ce qu'on retrouve avec le cinéma, notamment horrifique, les films de la mort, la créature de Frankenstein évidemment, qui va être investie, pour dire, en fait, notamment par des auteurs homosexuels qui sont au placard, qui ne peuvent pas parler de ça directement dans le film, qui vont dire : “Moi, cette créature qui demande juste à être acceptée, à être aimée, et qui est pourchassée pour ce qu'elle est, je me reconnais dedans, donc c'est là-dedans que je vais foutre cer affect-là”. Donc, c'est un paradoxe, c’est-à- dire que se retrouver toujours dans le rôle du méchant, c'est évidemment de la discrimination et de la stigmatisation et en même temps, ça devient le seul espace d'expression possible qui peut être très réapproprié par n'importe quel groupe. C'est là où le méchant peut avoir raison un petit peu. C'est-à-dire qu’il devient cet espace-là, et c'est un truc on retrouve tout le temps, même avec l'évolution de la société, c'est-à-dire que ce sera après peut-être d'autres questions qui vont être investies par ces personnages, et ça, c'est un vrai rôle. Je ne sais pas si vous connaissez ce T-shirt : il y a un personnage des X-Men qui porte un T-shirt “Magnéto was right”, “Magneto avait raison”. Il vient voir le professeur Xavier en lui disant : “Haha, qu’est-ce que tu vas faire, tu vas me virer ?” Ce qui est intéressant, ce n’est pas tant que le personnage pense que Magneto a raison. C'est qu’il est en train de dire que le méchant a raison, et ça, c'est transgressif. Si Magneto devient gentil, dire “Magneto a raison”, c'est pas très transgressif, en fait. C’est genre : “Ouais, super merci, bravo, quel courage”. Comme moi qui condamne le nazisme {rire]. Par contre, le fait qu'il soit toujours maintenu dans ce rôle de méchant, ça devient une espèce de petit truc qui va attaquer le statu quo.
[Julia R. ] Je vais faire semblant de me rappeler de la question… [rire] Il me semble que c'était le point de vue de l'auteur par rapport au positionnement.
[JB] C'était justement, si le discours n'est pas forcément accepté de façon globale, est-ce que c'est par le méchant qu'on peut commencer à faire passer ses messages ? Est-ce que ce n'est pas une fenêtre d'Overton en vue des générations futures ?
[Julia R.] Ok, c’est intéressant parce que j'écris de la fiction sans méchant. J'ai de l'opposition, mais je n'ai pas forcément de figure de méchant en tant que tel. Par exemple, dans le cadre de mon second roman Carne qui est sur une fausse pandémie de zombies, ce sont des gens malades, en fait, ce sont des gens qui deviennent cannibales malgré eux. On suit un bon papa, un bon père de famille, qui est tout à fait médiocre, il ne s’occupe pas vraiment de ses gosses, il est un peu sexiste, c’est monsieur lambda, mais qui n’est pas méchant ! C’est un mec lambda, le français moyen et qui, du jour au lendemain, devient cannibale et qui sait que manger les gens, c'est pas bien, c'est pas très, très accepté, c'est pas choco, nounours, comme on dit. Du coup, il essaye de se dire : “Je vais me réfréner parce que ça passera mieux”. Et il n'arrive pas. Au départ, il est vraiment positionné comme un monstre, sauf qu'il n'est pas le seul. A partir du moment où on commence à avoir vraiment beaucoup de cannibales en ville, se pose la question de comment les ré-inclure dans un rôle social. Il y a une contre-culture, un contre-pouvoir qui se met en place avec la question de : “Bah ouais, en fait, on va faire de la chasse, on va avoir des boucheries de viande humaine, chassée proprement, respect de l'animal oui, du coup, on est côté vegan, c'est bien, c'est bon pour la planète de manger des humains, le bien-être de l'humain”. Voilà, ce sont des questions de valeurs qui se posent, et les méchants du départ commencent à devenir un contre-pouvoir qui, finalement, revient finalement sur la question. Gentils, non, mais acceptables en tout cas.
[Justine N.] Oui, sur ta question, ça me fait penser à mon bouquin Mordred, où justement - encore une fois, c’est très facile et très gai comme thème - mais peut-on tuer son père par amour ? C'est fabuleux, je garderai de cette table ronde un souvenir ému, peut-être même deux ou trois. Mais c'est vrai que Mordred, je l'ai chargé de plein de choses, c’est-à-dire d'une envie d'aider son père en quelque sorte. Dans ce roman, je pense que si Mordred n’avait pas tué Arthur à la fin (c’est un spoiler, mais c'est bon quand même ça remonte), son père ne serait jamais entré dans le mythe, il n’aurait jamais survécu. Et puis Arthur, il n'était pas très en forme et il s'en foutait un petit peu, je pense, et c’était propre, c’était un truc... Mais voilà, moi-même j'ai mes raisons d'avoir écrit cet horrible personnage, je me rends compte, j'ai honte maintenant. Pour repartir sur votre définition des méchants, oui, ce méchant a ses raisons et je les entends.
[Julia R.] J'ai une question pour le public. Est-ce que vous pensiez rigoler autant ? On a l'impression de faire un one-man-show, mais c'est vrai.
[JB] Il y a des gens qui meurent, vous savez.
[Julia R.] Parlons de la famine en Afrique.
[JB] Mais pour revenir sur cette thématique justement, est-ce que le méchant aujourd'hui peut être le gentil de demain ? Quand j'ai commencé à préparer cette table-ronde, j'ai dû lire ton livre, enfin j’ai “dû”… Je l'ai lu avec plaisir ! [Rires] Je l'ai lu avec plaisir ! [Rires et applaudissements]. Il y a un truc qui m’a particulièrement agacé, un truc que j'avais écrit et entouré quinze fois, qui était la série Cobra Kai, qui est grillée dès les premières pages du livre. La série fait suite au film Karaté Kid, mais c'est vingt ou trente ans après. On suit le méchant du premier film, mais cette fois-ci, c'est devenu le protagoniste et on a une relecture de tous les films, par tous les petits flashbacks qui repassent, et on a une lecture complètement différente. En fait, le protagoniste qu'on suivait, qu'on appréciait, ce n'était pas forcément le bon gars. Et pareil, on remet l’enfance du méchant, ses problèmes familiaux, et ainsi de suite, et on se rend compte que ce qu'on croyait acquis est facilement remis en question. Je m'interroge beaucoup, est-ce qu’on peut prendre un plaidoyer donné, est-ce qu'on peut le retourner comme ça, systématiquement, ou pas?
[Benjamin P.] Oui, c'est un exemple, mais en fait, c'est un truc qui se fait beaucoup de raison, le fait de prendre Mordred, tu retournes le point de vue. C'est très à la mode, maintenant, dans la pop-culture, de mettre les méchants dans le rôle, pas forcément du gentil, mais du protagoniste, comme le Joker. C'est ce qui est intéressant, je trouve, plus c'est qu'est-ce que tu en fais. Par exemple les films Suicide squad, qui sont des films où les super-vilains sont les héros. Le problème de ces films, c'est que - et c'est là où c'est intéressant moralement - pour que ce soit acceptable pour le public, que les méchants soient dans la position du protagoniste, on leur lime les dents. C’est pas vraiment des gens très méchants déjà, oui, ils ont beaucoup souffert et tout ce qui est toujours le cliché. Si tu regardes dans le film, ils ne font jamais vraiment des choses très méchantes. Ils font des trucs au mieux d’ado, un peu relou, et qui sont en crise, et c'est ce qui fait qu'en fait ce n'est pas très intéressant. Et tu compares ça à un film comme Devil’s Rejects de Rob zombie, où le principe, c'est que les protagonistes sont une famille de tueurs psychopathes, nécrophiles, ils sont horribles. Là le film est plus intéressant, parce qu’ils n'en font pas des gentils, parce que c'est impossible, ou alors ça serait extrêmement irresponsable, mais le film devient plus intéressant moralement et plus un challenge, parce que t'es obligé de t'”attacher” entre guillemets à eux parce que ce sont tes personnages - point de vue. Tu vas détecter des moments où tu vas te dire : “ah il est gentil à ce moment-là avec sa soeur”, “ah quand même ils ont une relation comme ça”, mais ça reste les pires monstres possibles, et c'est beaucoup plus un challenge moralement, d’autant qu’ils ne leur trouvent pas d'excuses. C'est un truc qui est intéressant, c’est une autre façon de faire. Je ne dis pas qu’il faut faire forcément comme ça. Mais c'est là où tu vois que c'est en fait moralement très, très compliqué de faire vraiment la bascule du méchant en protagoniste. Bon, le film Joker a, je pense, bien marché aussi pour ça. Après, on en pense ce qu'on veut. Mais ils n’en font pas non plus un gentil, c'est quelqu'un qui est malade, qui a des problèmes sociaux extrêmement graves, etc. Donc, il y a le côté : “On va essayer d'expliquer pourquoi il est comme ça”, mais ça ne devient pas un super-héros. Il n'y a pas de moment où on se dit : “Il pourrait être un Batman”. Ce n’est pas du tout le même rapport au bien et au mal, et au manichéisme, et je trouve que c'est là où c'est intéressant, c'est quand ça challenge un peu la morale. Sinon, c'est juste faire semblant et faire genre : “Ah, regardez, je suis le méchant, je suis trop cool, je trouve trop transgressif, mais en fait, je ne fais absolument rien de transgressif, jamais, c'est que de la posture”. Voilà, c’était mes exemples.
[JB] Je vais aussi citer un autre passage de ton livre : “On peut jouer la révolution de février contre la révolution d'octobre, ou encore soutenir que Lénine ou encore Trotsky avait raison face au vil Staline. Même Michel Sardou, chanteur pourtant réputé à droite, invoquait le premier contre la dérive de l'URSS : « Lénine relève-toi, ils sont devenus fous »”. La question que je voulais vous poser, est a-t-on besoin de réécrire l'histoire pour retourner l’échiquier et faire forcément des good games à partir des bad games ?
[Benjamin P.] Très rapidement, là-dessus, l'exemple, c'est surtout que c'est une réécriture au sens strict, c'est-à-dire que ce n’est pas du révisionnisme. C’était le même truc avec Mandela tout à l'heure. Je pense qu'on se sent obligé de revoir l'histoire, toujours, avec des archétypes de fiction. On va devoir se dire qu’il y a un gentil, un méchant. Si je prends l'exemple de la révolution française, ce sont des périodes qui sont quand même très, très violentes et très, très compliquées, avec plein de nuances de gris, plein de gens qui font des erreurs, plein de gens qui sont des salauds et d'autres, des fois, plus vertueux. La facilité, ça va être de dire “Danton = gentil”, c'est la gentille révolution ; “Robespierre = méchante révolution”, et du coup, c'est une façon de pouvoir intégrer le truc et le digérer. En fait, ce sont des archétypes de fiction. Regardez les films américains historiques, ils font tout le temps ça. Ils y prennent une séquence, ils vont dire : “lui, c'est le gentil de cette séquence et lui, c'est le méchant”. Et souvent, le méchant, c'est le plus radical. Il faut toujours voir les choses comme ça, ce qui n'est évidemment pas très historique, mais je pense qu'on ne peut pas y couper. En fait, on est obligé d’avoir un petit peu des figures de bien et de mal, même dans un truc qui n’est pas manichéen, comme l'histoire.
[Justine N.] Justement sur ce sujet, il y a eu un truc que je trouve très, très intéressant. Comme je suis fatiguée, je ne me souviendrai pas des noms exacts, toutes mes excuses d'avance. Aux temps bibliques, les romains ont encerclé une dernière place forte hébraïque, et les hébreux ont lutté jusqu'à l'anéantissement total. Pendant très, très longtemps, ça a été traité par la culture hébraïque comme quelque chose d'héroïque, de puissant, d'identitaire aussi, parce que le roman national est forcément, je pense, identitaire. Depuis quelques dizaines d'années, c’est revu, c’est retravaillé. Les personnes qui travaillent dessus se disent que ce n’est pas forcément super intelligent de montrer la mort en but héroïque, et que c'était peut-être un peu des cinglés au fond, et que le but, c'est essayer de s'en sortir, quel que soit le truc, et pas de se cramer jusqu'au dernier parce que ça ne prouve rien et que ça ne fait que nourrir des romans nationaux ou culturels qui peuvent être parfaitement dégueulasses et qui sont très souvent parfaitement dégueulasses.
[JB] Mais je sais que tu avais publié un article récemment dans Révolution à ce sujet, sur la réécriture de l'histoire.
[Justine N.] Oui, c'était L'histoire est écrite par les vainqueurs. C'est très long
[JB] Lisez-le, hein !
[Justine N.] Oui, à lire, c'est plus sympa, il y a des images et je parle des pokémons et de la Shoah dans le même paragraphe. [rires] Je pense que rien que pour ça ! J'ai quand même fait des recherches sur le statut légal des pokémons dans le monde des pokémons et, encore une fois, c'est particulier, ils avaient le droit de se marier avec des humains. Oui, oui, oui. Ça a été retiré des versions occidentales, mais je n'étais pas prête. C'est la pire recherche que j'ai faite de ma vie. [rires]
[JB] Pire que la Shoah donc. [rires]
[Julia R.] Ah non non non, mais moi, je n'interviens pas après cette phrase, on passe à l'autre question ! [rires]
[JB] Voilà, on va passer à la deuxième partie de cette table ronde. On a commencé par se poser la question : “est-ce qu’ils peuvent avoir raison”. J'ai envie d'aller plus loin pour demander : “est-ce qu'ils ont besoin d'avoir raison ?”
[Julia R.] Je crois qu'on a Justine qui a un élan d'inspiration, je vais lui repasser le micro.
[JB] Parce qu’on ne va pas se le cacher, ça nous est arrivé à tous. On voit un plan qui est bien mené, on veut le voir arriver à terme. On se dit que, quand même, le bougre, il y a mis tellement d'efforts, ou il a ses raisons. Est-ce qu'on ne peut pas avoir juste une fascination, pour savoir s’il va arriver au bout ?
[Justine N.] Sur la fascination, je pense que dans tous mes bouquins, il y a un seul méchant, méchant assumé. Pour continuer dans la facilité, c'est une petite fille. Assez souvent on m'en parle, avec une haine absolument incroyable, mais aussi un certain plaisir de la haine : “Ouais, vraiment, elle mérite ce qui lui arrive, j'étais content.e quand elle a souffert”. Et là, nous, on a juste notre café caché derrière notre nom, on dit : “Oui, d'accord, je suis désolée”. Oui, je pense qu'on a une fascination pour continuer à le voir, ou la voir, le méchant, la méchante, progresser dans son abjectisme.
[Julia R.] Mais je crois qu'on a tous regardé Coyote essayer de choper Bip-Bip en espérant qu'il y arrive ! [rires, applaudissements]. Je ne sais pas si ça vous a fait cet effet, quand on regarde des films qui sont des films pour enfants, du type Maman, j'ai raté l'avion. Quand on le regarde, quand on est gamin, on se dit vraiment : “Ohlàlà, il se défend vachement bien le petit McCallister contre les grands méchants qui arrivent, et vraiment les pots de peinture, les briques”, mais vraiment il les a tués 36 fois ces deux pauvres cambrioleurs qui essaient juste de cambrioler une maison mais qui à aucun moment essayent de faire du mal au gosse. Quand on regarde le film avec un oeil d'adulte - moi, ça m'avait frappée - on se dit : “Mais je le chope, je lui ai mis une torgnole, à ce gamin, enfin”. [rires] Nous ne favorisons pas la violence contre les enfants dans cette conférence, évidemment.
[Benjamin P.] Je rajouterais plus un truc, mais en fait, tu l'as déjà un peu dit. Je crois que c'est toi qui as dit : “fenêtre d'Overton”. C'est la fenêtre des idées acceptables, c'est un truc qui peut se déplacer, et notamment s'il y a une proposition plus extrême d'un côté, sur n'importe quel sujet, on s'en fiche, même si on ne va jamais lui donner raison, ça va ouvrir un petit peu la fenêtre. Les autres positions, qui avant paraissaient bizarres ou extrêmes, vont devenir un peu plus acceptables en comparaison. Je pense que c'est un des rôles du méchant. Il va arriver avec une problématique ou n'importe quoi, un sujet, une cause, et il va arriver dans une version tellement caricaturale et débile qu'on va se dire : “Ouais, non, calme toi quand même”, et on est bien content qu'il se fasse casser la gueule à la fin, mais ça va avoir amené le sujet, ça aura un peu déplacé certains trucs. Parfois, je pense que c'est ça leur rôle, c'est juste d'être le punk qui arrive et qui dit un truc qui transgresse et qui chamboule un peu les choses, d'une manière qui n’est pas forcément très réfléchie et acceptable, mais ça va au moins avoir mis le sujet sur la table et le héros est obligé d'en tenir compte, alors qu'au début, il s’en tapait complètement. Des fois, ça donne des trucs un peu lâche, pour reprendre les éco-terroristes, ça va être genre Poison Ivy qui dit : “Regardez ce qu'on fait à la planète, les industriels polluent, je vais donc empoisonner toute l'eau de gotham et vous allez tous mourir”. Du coup, il faut l'arrêter parce ce n'est pas cool comme méthode d'action. Ne faites pas ça ! [rire] Et puis surtout, c'est ridicule. [Rire] Ça n'a pas de sens de faire ça. Donc, évidemment, on veut que Batman la punisse, mais à la fin, Bruce Wayne va dire : “Hein hein, je vais donner plein d'argent à l'écologie et je vais faire que les entreprises ne polluent pas”. Il va se greenwasher par répercussion au méchant. L'exemple très célèbre récent c’est le premier film Black Panther. Ce qui est intéressant, c'est que ça n'a pas hyper bien marché, parce que les gens adorent vraiment le méchant. J'ai pas mal regardé les discours dessus, notamment venant d'afro-américains. Ils sont très en mode : “Non, en fait déjà le méchant, il a raison et, en vrai, s’il n'a pas raison dans le film, c’est parce que vous avez fait exprès qu'il n’ait pas raison en le rendant cruel gratuitement, et il fait des trucs complètement débiles qui n'ont aucun rapport avec son idéologie”. Mais toujours est-il que son rôle dans le film, c'est de déplacer le point de vue du héros qui au début ne veut pas intervenir et, à la fin, intervient d'une manière un peu humanitaire et modérée, blablabla et propre sur lui, mais c'est grâce au méchant. Sinon, apparemment, ça ne lui aurait pas monté au casque tout seul, il fallait le secouer un petit peu. Pour ça, le méchant n'a pas besoin d'avoir raison, il a juste besoin de mettre le héros face à des contradictions
[JB] On l'a vu, le spectre de l'acceptable varie beaucoup d'une œuvre à l'autre et en fonction des lecteurs aussi, mais j'aurais voulu vous demander où vous placez la ligne rouge, quelle limite vous empêche dans tous les cas de rouler pour le méchant ?
[Justine N.] Je pense que ça dépend de deux choses. Déjà l'univers qu'on propose dans un roman, où il y a les codes qui sont posés dès les premières pages, que le lecteur ou la lectrice accepte - ou pas. Il y a aussi les trucs sur lesquels on a envie de passer des mois et des années. Il y a des sujets, moi, j'ai absolument pas envie, par exemple la pétanque, ça me dégoûte. [rires]
[JB] Donc, si le méchant joue à la pétanque, pour toi c'est mort.
[Justine N.] Ce sera un vrai méchant, voilà, pire que les mariages de Pokemon.
[Julia R.] Manger des bébés, tout ça c'est ok, mais la pétanque ça passe pas.
[Justine N.] Non, la pétanque ça passe pas, non. [rire] Mais oui, je pense qu'on a tous des sujets sur lesquels on ne veut absolument pas travailler. Je ne sais pas ce que tu en penses ?
[Julia R.] Oui, je crois qu'on a tous des appétences pour certains domaines et des choses qui ne nous plaisent pas. Quelle est la ligne rouge ? Je pense que c'est simplement par rapport à mes valeurs personnelles. Si le méchant est sexiste, homophobe, raciste, ben non… Même si derrière : “Oui, mais je veux sauver la planète”, ben non, ça reste un méchant, même s'il a une très, très bonne idéologie par rapport à l'environnement, il y a des trucs qui vont faire que pour moi, ça ne passera pas, parce que c'est une valeur personnelle, c'est tout.
[Benjamin P.] Je n'ai pas vraiment de réponse personnelle à ça, dans le sens où je pense que la ligne rouge est toujours tracée par l'univers, comme tu le dis, dans la diégèse du truc. Il ne faut jamais oublier que c'est très rare de pouvoir vraiment dire : “Le méchant a raison”, pour une raison toute simple, c'est que les histoires ne te laisseront jamais faire. Il faut toujours mettre en place des trucs qui disent : “Ah, vous voyez, il avait tort, heureusement que le héros n'était pas d'accord avec le méchant !”, ou : “Regardez, justement, il mange des bébés, quand même”. Donc, on ne nous laisse jamais vraiment le faire. C'est très rare que ce soit suffisamment mal fait pour que le méchant ne soit pas assez décrédibilisé, et c'est très facile de décrédibiliser un méchant quand c'est toi qui a les rênes de l'univers. Tu peux dire : “J'ai décidé que c'était un psychopathe qui mangeait les enfants”, ou “J'ai décidé qu'en fait son plan ne fonctionnait pas, parce que l'univers fait que ça marche pas”, et du coup il a tort. Il faut toujours avoir en tête que ce n'est pas vraiment toi qui met la ligne rouge et tu seras toujours dans une position de dire : “Je trouve qu'il a, en fait, un peu raison”. Un de ceux qui revenait hyper souvent quand je posais la question, en pop culture, c'est le Thanos des films. Il y a plein de gens qui vont dire que Thanos a un peu raison, parce qu'il dit : “Le monde va s'effondrer à cause de la pénurie de ressources et on fait n'importe quoi”. Sauf que les gens ont cette intuition, mais si tu pousses le débat plus loin, si tu demandes : “Est-ce que Thanos a raison de tuer des milliards de personnes, de manière purement autoritaire, sans chercher aucune autre position, et avoir une espèce de discours un peu malthusien, très bizarre et tout”, en fait non, les gens ne sont pas au premier degré d'accord avec ça. Enfin, la plupart des gens… [rire] Ce sont des choses qui ont été mises en place par le film, qui ne te laisse pas faire ce truc-là, avec en plus ce truc de : “Ok, il avait peut-être un peu raison, parce qu'il a l'air de d'avoir des raisons de penser ce qu'il pense”. Mais dans le film, après, il n'y a pas d'effondrement de ressources, même dans les films qui suivent. On se demande, du coup, si Thanos avait tort depuis le début ? L'univers ne s'est pas effondré, donc, manifestement, il avait tort. Mais ce n’est pas adressé, le problème n'est pas adressé, c'est juste : “Sa solution allait trop loin, on l'a empêché, voilà, roulez jeunesse”, et on ne se pose plus la question. Mais ça, c'est quelque chose qu'on ne peut pas faire dans la vraie vie. [En riant] Enfin, on peut le faire, mais l’univers s'écroule quand même. Si Thanos a raison, l’univers s’écroule quand même, il n’y a pas des auteurs pour le sauvegarder. Donc, en fait, on est quand même toujours très tributaire de ce que les auteurs ont décidé, de la ligne rouge des auteurs eux-mêmes. C'est artificiel, et c'est aussi artificiel dans la morale qui est proposée.
[Julia R.] Je voudrais juste nuancer sur une petite chose. Je suis complètement d'accord avec toi sur le fond, mais j'ai envie de porter un message d'espoir, parce qu'on a parlé de Shoah, de pokémons, on a parlé de trucs graves aujourd'hui, de pétanque ! Oui, de manière générale, les œuvres ont ce positionnement, mais je trouve qu'il y a de plus en plus d'initiatives qui essaient de contrecarrer ces choses, notamment dans l'imaginaire francophone, puisque les américains ont encore une vision à mon sens très manichéenne et une dichotomie assez simple entre le méchant et le gentil, même quand ils essayent de renverser la balance. Je pense à The Boys, une série qui, grosso modo, prend Superman en méchant. Mais ils auraient pu en faire un truc un peu nuancé, où c’est la corporate nation avec les super-héros qui sont gérés par une entreprise, mais il n'y a même pas de partie un peu bienveillante et vertueuse là-dedans, c'est juste devenu exactement l'inverse. Je pense à un roman, Les chats des neiges ne sont plus blancs en hiver de Noémie Wiorek, une autrice française, qui part d'un postulat d'un méchant qui s'appelle Noir, qui est vraiment présenté comme le méchant des forces diaboliques, qui vit dans sa grotte avec ses espèces de petits monstres dégueulasses. C’est un univers où l'hiver a disparu, lui tient absolument à faire revenir l'hiver dans ce monde qui géré par le Royaume de lumière qui est vraiment présenté comme le truc incroyable. Et jusqu'à la fin du roman, on ne sait pas pourquoi le Royaume de lumière veut garder un monde sans hiver et pourquoi le méchant veut faire revenir l'hiver. On suit ceux qui sont censés être les méchants, mais on ne sait même pas tant s'ils le sont. C’est ça qui est intéressant. Il y a des propositions aujourd'hui, dans l'univers francophone et européen de manière générale, qui viennent apporter de la nuance.
[JB] Pour revenir aux valeurs morales, est-ce pour vous, parfois, la fiction peut aussi être un exutoire et se dire que si le méchant est cool, s'il est fabulous, je peux rouler pour lui, parce que je délimite, je prends ses mauvaises pensées, je les bloque ici et ça me permet justement d'en profiter et que ça n’affecte pas les gens, ou est-ce que ça va forcément déteindre sur le reste de la société ?
[Justine N.] Un très, très bon exemple là-dessus, c'est Jason Voorhees, parce que c'est cool ! C'est un des méchants les plus cools du monde, mais il vit dans un aquarium, c'est-à-dire qu’il ne se répand pas dans une vie, il ne fait pas des clones, il ne monte pas une armée. C'est juste Jason Voorhees, l’esprit PTSD de tous les enfants battus du monde qui flingue des gens dans les bois, et puis dans un vaisseau spatial, et c'est complètement con, et ses victimes ne sont jamais traitées comme des humains. Ce sont des gens qui ont eu l'outrecuidance de se promener en slip dans les bois et qui devaient être punis pour ça. Je trouve que c'est un système qui fonctionne super bien parce qu’il est épuré et parce qu’il n’y a aucune... Je ne pense pas qu'on puisse faire sortir la violence de Jason et la transposer dans notre monde ou dans notre moralité, et c'est juste cool et con. C’est comme… J'ai oublié le nom de ce vieux jeu, Dungeon Master ou un truc comme ça, dans lequel on creusait des souterrains et à un moment, on avait un poulailler et la souris, c'était juste une grande main qui gérait tout ce qu'on faisait, et dans le poulailler, on pouvait juste éclater les poussins.
[Benjamin P.] Dans le bouquin, l'exemple que je prends, c’est quand il y a un méchant type Magneto qui est un personnage qui a une cause qui paraît légitime, noble, et que le gentil partage sa cause mais n'aime pas ses méthodes, sa façon de faire. Souvent, il y a un schéma où il y a un troisième méchant, que moi j'appelle le méchant “piñata”. Dans les X-Men, ce sont les gros racistes anti-mutants. On dit que tout le monde aime les méchants, mais personne dans les X-Men, à part des gens relativement craignos, dit : “L'espèce de nazi qui veut les exterminer, qui est chiant et absolument pas sympathique, lui, je l'adore, j'ai trop envie d'être cette personne”. Lui, on ne l'aime pas. On aime bien Magnéto, parce qu’il est cool. Ce qui se passe, c'est que souvent ils vont s'allier contre le méchant “piñata”, et celui qui va délivrer le truc exutoire de lui péter la gueule, c'est le méchant. C’est Magnéto, c’est le méchant stylé. On est trop content que Magnéto aille trop loin, qu’il fasse genre : “Alors toi, je vais t'éclater la gueule, mais avec une inventivité incroyable”. Derrière, le héros va dire : “Non, non, non, faut pas faire ça, non, arrête”. Moralement, on se dit que le héros a raison, parce que lui ne tomberait jamais dans un tel truc, mais en fait, on est trop content que le méchant se salisse les mains.
[JB] Sur deux salauds, on part sur celui qui a le plus de panache.
[Benjamin P.] Oui, c'est ça, et puis c'est son rôle aussi d'être le mec cool. En fait, c'est une mauvaise fréquentation. [Rires]. On se dit que ce n’est pas bien de faire ça, mais c’est cool quand même.
[JB] Moi, je pensais à un point que je m'interroge beaucoup, ce sont les chansons de méchants dans Disney. Parce que ce sont les meilleures, on est d'accord, jusqu'ici. Pourquoi c'est les meilleures ?
[Julia R.] Tu vas nous parler de Jafar non ?
[Justine N.] Je vais faire très vite, parce que je ne suis pas du tout spécialiste des Disney. Effectivement, j'ai regardé Mulan un jour, et je trouve que le méchant est particulièrement bien réussi. Shan Yu est splendide, c'est à moitié un berserk parce qu'il a plein de traits animaux. Les poneys sont dessinés de façon historique et les chevaux japonais sont désignés de façon historique. Moi, ça me suffit, mais Shan Yu, t'as la classe. [rires]
[JB] Mais il ne chante pas !
[Julia R.] T'as pas un Disney où ils ont chanté, non ?
[Benjamin P.] Je pense que c’est tout simplement lié au fait qu’ils sont fabulous, comme tu dis. Ce sont ceux qui ont le moins de carcans et qui sont moins obligés de suivre les trucs. Il y a le côté jouissif de la vilenie. Du coup, évidemment, ils ont les meilleurs morceaux, parce qu'ils ont les morceaux les plus funs. Ils ont les morceaux qui sont moins cucul et qui sont plus décomplexés, plus extravagants et spectaculaires. C'est normal qu'on les kiffe tous !
[Julia R.] Là-dessus, il y a quand même des théories. Pareil, je n'ai pas fait d'études sur Disney. Il y avait pas mal de théories un moment, qui disaient que les méchants de Disney étaient représentés comme des homosexuels parce qu'ils n'avaient pas d'intérêt amoureux vis-à-vis de la princesse, et ils étaient toujours, comme tu dis, flamboyants, hauts en couleur, et c'est ça qui les rendait stylés. On peut vite glisser dans le côté : “Prendre ce qui peut faire les qualités perçues d'une population pour la rendre méchante”, mais si là, c'est dire que les homosexuels sont stylés, on va les mettre en méchants, ça peut vite devenir problématique. Donc, est-ce que Disney n'est pas le méchant dans l'affaire ? [Applaudissements] Engagé, hein ! Taper sur les grandes corporations américaines, ça envoie du lourd.
[Benjamin P.] Si je peux préciser là-dessus ? C'est effectivement assez discuté et documenté, on appelle ça “l'encodage queer” et ce sont souvent les méchants Disney qui sont donnés en exemple. Ça rejoint le paradoxe de représentation dont je parlais tout à l'heure. D’un côté, comme tu viens de le dire, c'est stigmatisant. En même temps, on sait que ça a été investi soit en réappropriation (c'est-à-dire, je ne sais pas, la communauté LGBT qui va se reconnaître et revendiquer un méchant en disant : “Ah, ouais, trop cool, et tout”), soit, par moment, c’est même volontaire, de la part de créatifs qui sont eux-mêmes LGBT. Le plus connu, c'est Ursula, de La petite sirène, qui est inspiré de Divine, une drag queen hyper célèbre à ce moment-là au cinéma. Ce n’est pas du tout caché, c’est explicite que c'est l'inspiration. Notamment, les compositeurs connaissaient très, très bien la scène underground, LGBT, de New-York et notamment le drag show, et en fait sa chanson de méchant est un show drag. Ce n’est pas une caricature, c'est vraiment un hommage, c'est inspiré vraiment de cette culture de manière tout à fait premier degré et passionnée. Les deux coexistent dans le même truc, je trouve ça assez fascinant et très difficile à dénouer comme question.
[Justine N.] Pour continuer à dire du mal de Disney, il y a eu pas mal d'études qui ont été faites sur les personnages féminins de méchantes, sur le fait que ce sont simplement des figures féministes, c'est-à-dire des femmes qui, en général, n'ont pas d'intérêt amoureux, qui ne courent en tout cas pas après un prince charmant. Elles n'ont pas besoin d'être sauvées. Si elles ont eu besoin d'être sauvées, c'est elles qui ont fait le job. Et il y a une grosse, grosse, grosse critique féministe là-dessus parce que : “Ah mon dieu, je n'ai pas besoin d'un prince, je suis donc [grosse voix] méchante…”
[JB] Pour terminer, je vais vous poser rapidement une dernière question, pour avoir le temps pour les questions du public. Je trouve qu'on n'a pas parlé assez de politique jusqu'ici… [Rires] Est-ce qu'au final, les meilleurs méchants, c'est pas aussi les pires, parce que c'est ceux qui nous dirigent dans le vrai monde, c'est des gens qui sont pas forcément, voilà, ces gens ne sont pas forcément très doués, très bons non plus, mais qui vont toujours invoquer les mêmes choses, avoir de grandes causes, de grandes sacrifices pour le bien commun, tout en privilégiant derrière une caste de privilégiés ?
[Justine N.]Je dirais que non, parce que pour faire un bon méchant, comme on l'a vu, il faut être cool, de préférence flamboyant, intelligent, et il faut avoir la classe. Donc, non, je ne vois pas du tout. Non. Je ne fais pas le lien. [Rires, applaudissements]
[Benjamin P.] Pas mieux.
[Julia R.] Non, mais c'est ça la question sous-jacente - on en avait un peu discuté en amont lors de la préparation de cette conférence : est-ce que les méchants sont de droite ? [Rires]. Concrètement, c'est ça la question. Mais les gens de droite n'ont pas décidé d’être de droite, pensez à notre ami… mince. Comment s'appelle-t-il, celui qui a fait Quatre-vingt-dix-neuf francs ?
[JB] Beigbeder ?
[Julia R.] Beigbeder. Vous avez dû voir dans la presse qu'il est allé dire : “Dire que je suis un homme blanc, de droite, hétérosexuel et cisgenre, c’est être quatre fois raciste envers moi”. Voilà, je vous laisse digérer l’information.
[JB] [En riant] Il a beaucoup souffert…
[Julia R.] C'est vrai que ça a été très, très dur pour lui, mais toujours est-il que je comprends aussi que ce n'est pas toujours simple… Alors attention, je n'aurais jamais dû me lancer là-dedans. Voilà, les hommes hétéros cisgenres, qui ont été chanceux à la roulette de la vie, ne l'ont pas décidé, ça ne fait pas d’eux mécaniquement des méchants. Par contre, c'est leur positionnement et leurs agissements qui vont faire d'eux des gentils ou des méchants. Voilà quelque chose de très fort, très engagé encore.
[JB] Merci beaucoup. On va passer aux questions du public.
[Public]