Le Seigneur des Anneaux VS Game Of Thrones
Enregistré le Le 30/04/2023 à l'occasion du festival L'Ouest Hurlant.
L’Ouest Hurlant vous propose son nouveau format de table-rondes : les battles !
Pendant 1 heure, 2 camps vont affronter dans un duel épineux ! Et c’est vous, le public, qui ferez gagner votre camp préféré ! Dans cette battle, 2 œuvres majeures de la fantasy s’affrontent : le Seigneur des Anneaux et Game of Thrones ! Alors, qui l’emportera ?
Transcription :
Battle « Le Seigneur des Anneaux vs Game of Thrones »
Avec Benjamin de Bolchegeek, Morgan of Glencoe, Lionel Davoust
Modération : Betty Piccioli
[Chaise qui racle le sol]
[Grincements]
[Musique et bruits de pages qui se tournent]
[Musique et carillons]
[Musique et bruits de vaisseaux]
[Tirs de pistolets laser - Pewpew]
[Bruits d'épées qui s'entrechoquent]
[Voix off] Les conférences de L'Ouest Hurlant, le festival des cultures de l'imaginaire…
[Betty Piccioli] Est-ce que ça va ? Vous êtes prêts pour cette battle ? La battle de l'enfer. Je vous le dis.
[Lionel Davoust] Allez !
[Morgan of Glencoe] La battle des “Ferme ta gueule.”
[Betty Piccioli] Waouh, ça commence bien.
[Morgan of Glencoe] T’as dit qu’on avait le droit.
[Betty Piccioli] Oui, oui, bon bah ça va être super courtois. Je rappelle qu'on a une charte de vivre ensemble sur le festival !
[Rires]
[Morgan of Glencoe] Oui, c’était un un jeu de mots.
[Betty Piccioli] Elle s'applique aussi sur ces conférences.
[Morgan of Glencoe] Juste pour la gloire du jeu de mots.
[Betty Piccioli] Ne t'inquiète pas, ne t’inquiète pas. Du coup : qui a l'habitude ici des matchs d'impro ? Ah ouais, d'accord….
Alors j'ai un peu repris ce principe sur cette battle, voire carrément, puisque, vous allez voir, on va avoir des manches. Donc, il y en a six en tout, plus une manche bonus.
Sur laquelle ces deux œuvres vont s'affronter.
C'est des manches thématiques à chaque fois et nos invités auront six minutes par manche pour débattre et argumenter sur la thématique. Et à la fin des six minutes… Vous, je vous reconnais, là : vous étiez la team space opéra hier !Donc la team bleu est la team Game of Thrones aujourd'hui. Très bien.
(Ils votaient toujours la même chose hier, c'était très rigolo.)
Donc, à la fin de chaque manche, vous allez voter pour qui a été le plus convaincant, donc soit le Seigneur des Anneaux en jaune, soit Game of Thrones en bleu.
Voilà, c'est tout simple. Et, à la fin, il y aura un gagnant. Ça n'a aucune valeur, mais c'est pas grave, vous serez content quand même.
[Lionel Davoust] Le perdant sera écartelé.
[Morgan of Glencoe] Non, parce que Léti va m’en vouloir, et elle a une grosse, grosse tronçonneuse.
[?] Très bien. Ah ça y est, ça chambre déjà.
[Morgan of Glencoe] Oui, moi, on m'a dit battle, je battle.
[Betty Piccioli] Je pense que ma modération va être anecdotique, je le dis… Mais je vais essayer d'exister, je vais essayer.
Donc, pour cette battle, j'ai à ma gauche Benjamin Patinaud, donc de la chaîne bolchévique, donc la chaîne youtube, qui vient de sortir un livre qui s'appelle Le syndrome Magnéto, que vous ne pourrez pas acheter à la librairie du festival parce qu'elle est déjà en rupture.
Et c'est très bien, parce que ça veut dire qu'il en a vendu beaucoup. Bravo.
[Applaudissements]
[Betty Piccioli] Benjamin va être un peu entre les deux et il va essayer de faire des choix.
[Benjamin Patinaud] … Centriste !
[Morgan of Glencoe] Personne n’y croit !
[Betty Piccioli] Il va être centriste, pire, macroniste. Tant qu'on y est. Non, quelle horreur.
Ensuite, nous avons Lionel davoust, qui a refoulé de se mettre sur le trône qu'on ne sait pas pourquoi.
[Lionel Davoust] Je défends le trône de fer, j'ai la plus petite chaise. Je suis offusquée, je suis scandalisé. Je suis le méchant dans cette histoire. C’est pour ça que j’ai cette gueule-là. Oui, et il faut que je vous dise que j'y vois que dalle.
[Rires]
[Betty Piccioli] Donc c'est pas à toi qu'on va demander de compter, si jamais on a des presque égalité.
[Lionel Davoust] Mais si, justement !
[Betty Piccioli] Ce sera toujours Game of Thrones qui va gagner du coup.
[Lionel Davoust] Juste une fois de temps en temps, mais juste assez.
d'accord. Très bien donc. Lionel Davoust, auteur des Dieux sauvages, de Port d’âme, de La messagère du ciel et de plein de grosses briques de livres.
[Lionel Davoust] On peut lire des livres et construire une maison !
[Betty Piccioli] Et enfin nous avons à ma droite Morgan of Glencoe qui va défendre le Seigneur des Anneaux.
[Morgan of Glencoe] Il paraît.
[Betty Piccioli] Il paraît. dDe manière, je crois…Honnête… ou peut-être de mauvaise foi parfois. Peut-être on verra.
[Morgan of Glencoe] On m'a dit que, pour une fois, j'avais le droit.
[Betty Piccioli] Voilà, elle a le droit. Donc, autrice de La dernière geste, qui est une saga.
C'est ça ? Oui, je confonds toujours, si c'est le titre d'un livre ou la saga, et donc, je, je suis nul en ça.
[Morgan of Glencoe] La dernière Geste, c’est le titre de la saga.
[Betty Piccioli] C’est la saga. Et avec, donc, L'héritage du rail, l’Ordalie, Dans l’ombre de Paris et encore plein d'autres. Voilà.
On va pouvoir commencer tout de suite avec notre première manche. (Si, en régie, on peut me mettre la première manche, s'il vous plaît.)
On va parler de world building. Est-ce que vous voyez bien l'écran ou pas ? Très bien.
Le World Building dans le Seigneur des Anneaux et Game of Thrones.
Comment ça se passe, est-ce que c'est bien, qui a le meilleur ? Honnêtement, ça va être à chaque manche qui a le meilleur. Donc, on va lancer le compteur, le minuteur, et les six minutes vont commencer.
Qui veut commencer ? Allez, ça tourne.
[Morgan of Glencoe] Ok, alors je vais commencer.
Alors déjà, pourquoi le world building du Seigneur des Anneaux ? Mais déjà, il commence vachement plus avant, puisqu'il commence, littéralement, à la création du monde, puisque le Seigneur des Anneaux, il a une, une jeunesse, une cosmogonie. Contrairement à Game of Thrones, qui a… un très gros mur. Vous avez un très grand mur. C'est bien bravo.
[Rires]
[Morgan of Glencoe] Voilà, je suis désolé, on va commencer par là. Ok, nous, on a des dieux, voilà, on a des Valar qui se baladent, et tout voilà. Vous, vous avez des dothrakis qui meurent dans la nuit devant des murs, parce qu'il fallait défendre les murs avant qu’on les abîme, je crois.
Et voilà, parce que vous aimez bien les murs, ça, d'accord, vous avez des murs, nous on a le world building. Ok, voilà.
[Lionel Davoust] L'infrastructure, madame !
[Morgan of Glencoe] Oui, ben vous en avez, c'est ça., vous avez guère que ça.
En plus, nous on a des langues,et elles ont une histoire. Vous, vous avez des bouts de langues qui ont pas d'histoire.
[Lionel Davoust] Alors, sans.. Déjà. Françaises, français, votez pour moi. Je suis l'honnêteté irréprochable. Deuxièmement, parlons de mur, est ce qu'on parle de la configuration naturelle des montagnes qui encadrent le Mordor ?
[Morgan of Glencoe] On s'en fout, elles sont magiques,
langues qui ont pas d'histoire.
[Lionel Davoust] Elles ont l'air un peu, voilà... Alors voilà, voilà, voilà.
[Rires]
[Lionel Davoust] Mesdames, messieurs, mon adversaires tout de suite.
Voilà ce qui ne va pas dans le world building de Tolkien, c'est que, voilà, dans Game of Thrones, je veux dire, on sent bien qu'il y a quand même des forces naturelles à l'œuvre. Je veux dire, c'est pas juste qu’il y a des Valar, des types qui se baladent, franchement, on dirait Vampire la Mascarade, où, en gros, c'est les vampires qui ont tout fait dans l'histoire.
Et qui font : “Tiens, voilà un arbre qui porte des fruits magiques”. Et puis, “tiens, on va mettre des forêts inexplorées. Il faut pas y aller.” Faut pas y aller pourquoi ? Parce qu'elles ont été inexplorées.
Dans Westeros et dans Essos, il y a des véritables forces géologiques à l'œuvre, de véritables plans écologiques où il faut penser à l'alimentation des dragons ont un'impact sur l'industrie ovine locale. Donc, le building de Game of Thrones, c'est beaucoup plus fouillé, je suis désolé. Et justement, on ne remonte pas jusqu'au début parce que… parce qu'on s'en fout en fait.
[Morgan of Glencoe] On s'en fout, sauf qu'ils n'ont plus rien à craindre.
D'accord. Ils ont des saisons qui, objectivement, sont pas alignées sur leurs années. Donc comment est-ce qu’ils calculent leurs âges ? Déjà ça on n'a jamais compris, hein. Parce que si vraiment ton été dure dix ans, comment tu sais que ton gosse, il a dix ans? Hein, voilà, comment tu sais ?
[Betty Piccioli] Benjamin, tu veux dire quelque chose peut-être.
[Benjamin Patinaud]En fait, c'est comme je suis un peu goal volant… C'est trop tentant d'être de mauvaise foi des deux côtés.
[Morgan of Glencoe] On a dit qu’on était de mauvaise foi !
En fait, j'ai envie de dire que oui, Game of Thrones, il y a quand même un truc que je reconnais, c'était quelque chose d'un peu matérialiste et quand même qu'effectivement l'économie, c'est un truc qui est… ou la construction géologique ou quoi, c’est des choses qui sont assez absentes chez Tolkien, qui ne se pose pas la question. Mais en même temps,
on parle de Tolkien, quand même. J’ai envie de dire… Je veux bien être de mauvaise foi, mais à un moment donné, il y a des choses qui, il y a des limites à pas dépasser.
Et quand même : est-ce que il y aurait ne serait-ce que du World building de fantasy solide s'il n'y avait pas eu papa Tolkien à la base ? Qui a créé réellement une mythologie et qui, juste, s'inspire pas de faits historiques et de choses comme ça. Est-ce que y'aura des milliers, des centaines d'œuvres, des centaines de milliers d'œuvres inspirées par le world building de Game of Thrones par la suite ? Alors que maintenant, on a des elfes, des nains et des trucs, etc. partout depuis Tolkien.
Moi, j'ai envie de dire un peu : le baron c’est difficile de lutter contre.
[Lionel Davoust] Alors, c'est vrai, mais en même temps, est ce que la littérature n'est pas un petit peu une course d'évolution perpétuelle, où nous construisons sur les épaules des géants pour aller au-delà de ce qui est venu avant nous ? Bien sûr qu'il faut rendre à Tolkien ce qui est à Tolkien, mais de la même manière que que l'on rend hommage à tous les classiques qui nous ont précédés et auxquels nous rendons hommage, bien entendu… mais le but, toujours, est d'aller plus loin, d'aller, de construire au-delà.
[Morgan of Glencoe] Je suis pas sûre qu’il ait construit au-delà…
[Lionel Davoust] Et aussi dans la verticalité.
[Morgan of Glencoe] Oui, des murs quoi. T’as des murs. On t'a dit : t'as des murs.
[Betty Piccioli] Merci pour la gestion en régie du problème d'internet, mais ça va mieux. Non, mais ça va mieux.
[Morgan of Glencoe] Ah on a encore le temps ?
[Betty Piccioli] Oui, vous avez encore le temps. Vous avez été hyper court. Donc, si tu veux dire quelque chose encore, Benjamin, je ne sais pas.
[Morgan of Glencoe] Benjamin, il dit des trucs intéressants et vrais, en fait, Lui non.
[Rires]
Non mais moi, on veut parler du worldbuilding de Tolkien pendant des heures. En fait, on peut vachement moins parler du worldbuilding de Game of Thrones pendant des heures. Je suis désolé, une heure, ça peut tenir, mais…
[Lionel Davoust] Parce qu'on est là pour raconter une histoire et pas forcément faire un annuaire géologique ni un précis de… de terragénèse magique, c’est tout. Je veux dire :
est-ce qu'on est là pour lire le guide du routard de la terre du milieu, ou est-ce qu'on est là pour s'éclater avec une histoire, avec des gens qui s'entretuent ? Moi, je dis ça, je dis rien, hum,
[Morgan of Glencoe] Mais lui ne le met pas pendant qu'il écrit, d’accord, il écrit un tome qui s’appelle le Silmarillion et qui n'est lu que par les gens hardcore.
[Lionel Davoust] Y’a quand même des chansons, un peu, au milieu.
[Morgan of Glencoe] Ah oui, mais ça c'est parce que Tolkien est une princesse Disney !
Il met des chansons au milieu de ses histoires, c'est normal !
[Rires]
[Lionel Davoust] Mais là, messieurs, je laisserai mon adversaire responsable de ses propres propos.
[Benjamin Patinaud] Si je peux me permettre un point d'arbitrage. La question qui a été posée, c'est qu'il y a le meilleur world building. Je suis d'accord pour un truc, pour dire: c'est que parce que j'ai lu, (j'ai eu ma phase), j'ai lu le Silmarillion, les contes, les machins et tout.
En fait, tout le monde s'en fout un peu. Genre, c’est quand même… C'est très chiant, ce n'est pas très simple, ce n'est pas hyper passionnant. C'est du, c'est du truc, c'est des trucs de nerds qu'on aime bien parce que, voilà, on a envie de savoir, mais la question, c'est qui a le meilleur ? Et donc, le fait qu’on s’en foute ou pas, le fait que “c’est pas très intéressant ces bouquins-là” est assez hors-sujet. J’ai envie de dire : Tolkien a fait un meilleur travail, il a créé toute une mythologie, des langues… Il a fait ses trucs de nerds, et y’a pas ça dans Game of Thrones. Je vous invite à vous concentrer sur rendre les lauriers à Tolkien pour toutes ces heures passées dans sa bibliothèque à inventer des langues, à lire des trucs en Hittite, en en machin et tout, et reconnaître un petit peu la valeur du travail de Tolkien là-dessus. Même si, effectivement, on s’en fiche un peu de lire le Silmarillion, le monde a été créé par des chansons… Je sais pas ce qu’il a avec les chansons.
[Morgan of Glencoe] Le monde est créé par le chant d’Ilúvatar.
[Benjamin Patinaud] Ouais, d’accord… Mais je sais pas ce qu’il a avec les chansons.
[Morgan of Glencoe] Mais parce que la musique, c’est bien ! En fait. C’est bien la musique, aimez la musique ! Un monde sans musique, c’est vide !
[Lionel Davoust] Parce que je suis grand seigneur, je serais prêt à concéder le point… Mais !
J’aimerai quand même pointer l’attention de l’assistance sur le fait que oui, certes, worldbuilding très fouillé, mais il se passe rien à coup de dix-mille ans ! Elle est où la dynamique historique. C’est tout ce que je dirais.
[Betty Piccioli] Eh bien, merci pour cette très belle manche.
La première manche était déjà très saignante. C'est maintenant il va falloir voter. Public, je le rappelle: le jaune pour le Seigneur des Anneaux et le bleu pour Game of Thrones.
[Morgan of Glencoe] Je crois que le jaune gagne haut la main.
[Betty Piccioli] Gagné, c'est bien le jaune. Je pense qu'on va être dans cette situation pendant toute la battle.
Donc, c'est le Seigneur des Anneaux. Premier point pour essayer un anneau. Bravo, le Seigneur des Anneaux.
[Morgan of Glencoe]Merci, ma team, vous êtes les meilleurs !
[Betty Piccioli] Et c'est là que vous allez voir la qualité de mon travail à moi, puisque vous voyez ce canva qui… Oh ça a été fait hyper vite. Bravo, bravo, mais vous n'avez même pas vu le changement. Il fallait changer le point manuellement. Enfin bref, c’est que je suis nulle en canvas, c'est pas grave.
Deuxième manche : la magie. Attention, beaucoup de choses à dire des deux côtés. Qui a la meilleure magie ? Qui a le meilleur système magique ? Est-ce que c'est bien exploité ou pas ? On peut lancer le chrono. Qui veut commencer ?
[Lionel Davoust] Alors je suis désolé, mais la magie, chez Tolkien elle envoie pas du rêve, je veux dire Gandalf, Gandalf ! Ah voilà, on l'a Gandalf, grande barbe, et tout la classe, et tout fume la pipe. Magicien mystérieux, mystérieux. Et tu sais faire quoi ? Lumière.
Et alors, à un moment où il commence un petit peu à sortir l'épée de feu, tout ça, vous ne passerez pas, boum. Et après l'autre, l'autre, hein. Il a l'artefact magique qui tue, le truc ultime, mais il peut pas s'en servir. C'est quand même un peu ballot.
Chez Tolkien la magie, c'est quand même un peu… c’est important, mais on y touche pas. C'est dangereux. Alors que chez Martin, la magie est beaucoup plus réduite de base. Mais on s'en sert, on fait des trucs avec. Est réduite, elle est mystérieuse, mais elle est ramenée au rôle de force dangereuse, inconnue, ésotérique de l'univers dont certains, certaines peuvent éventuellement se servir. et elle est beaucoup plus utilisée comme levier narratif et imbriqué dans la création du monde, plutôt que d'être un petit peu un artifice magique qui arrange bien une fois de temps en temps. Quoi ? On a le droit d’'être de mauvaise foi. Je respecte les règles du jeu.
[Morgan of Glencoe] Moi, je tiens à dire que déjà, ok, donc la magie dans Game of Thrones…
On parle du type qui fait des zombies, ou de la meuf qui fait des rituels de sang, c’est ça ?
[Lionel Davoust] Y’a le warging, aussi.
[Morgan of Glencoe] Oui aussi, mais globalement, la magie chez Tolkien elle a pas besoin d'être, parce que ce qui est magique chez Tolkien, c'est l'ensemble de son univers. La magie est à la fois partout et finalement inaccessible, parce qu'elle a pas besoin d'être utilisée. Elle est, en fait, elle, elle infuse littéralement le monde et savoir l'utiliser, ben c’est Gandalf de temps en temps quand il fait des trucs, mais quelque part la vraie magie de Tolkien, c'est la beauté du monde et, en fait, pour quelqu'un qui sort de la première guerre mondiale à un moment donné, qui est quand même un petit peu grave, trauma… En fait, dire que ce monde a perdu sa magie (parce que c'est ça, en fait, le monde de Tolkien, c'est un monde qui est en train de perdre sa magie) c'est un monde qui est en train de perdre sa saveur et c'est un monde qui est en train de perdre sa beauté. Et, en fait, justement, le fait qu'elle ait cet aspect inaccessible, cette espèce de course contre le temps qui l'efface, c'est ça qui est déchirant, enfin, dans Tolkien, et effectivement dans Martin, comme à peu près tout dans Martin, la magie est utilitaire. Alors que dans Tolkien, comme à peu près tout dans Tolkien, c’est déchirant parce que, justement, il est là et il est inaccessible, justement. Bah oui, en fait, Gandalf, il fait plus que de la lumière parce qu'en fait, ce n'est plus que ce petit point dans les ténèbres qui menace de s'éteindre avec notre rêve et notre enfance.
[Benjamin Patinaud] Là, c’est dur de passer après…
Mais, du coup, je vais quand même essayer d'être de mauvaise foi et je vais choisir, sur ce point, d'être dans le “en même temps”.
Parce que, en fait, je suis très, très d'accord avec ton argumentaire sur le fonctionnement de la magie, parce que, effectivement, la magie dans Tolkien, je ne comprends pas le système, je ne comprends pas comment ça marche. Je ne sais pas si Tolkien lui-même comprend comment ça marche. C'est quand même très, c'est presque religieux en fait, comme rapport à la magie. Et moi, c'est un truc qui me… C’est pas un problème parce qu'effectivement ça donne des belles choses, suis très d'accord. Mais moi ça me pose problème en tant que lecteur.
Parce que je déteste être devant un récit dont je ne comprends pas, a minima un petit peu les règles et à quoi m'attendre, et ça si je trouve ça un peu facile. J'ai beau avoir défendu Tolkien sur ses efforts là-dessus, je trouve que ce qu'il a mis comme efforts pour créer des langues hyper complexes, les consonnes, les voyelles, tout bien fait, et la magie, c'est le bordel. On comprend rien, et ça c'est un problème. Mais en même temps.
Il y a un point où j'ai envie de mettre quand même un gros carton rouge à Game of Thrones, c'est que, justement, si cette magie est utile, si c’est un dispositif narratif et qu'on comprend le système. Dans un récit qui est quand même assez célèbre pour le fait que les personnages peuvent mourir à tout moment.C’est quand même célèbre pour ça. C'est qu'on a peur tout le temps pour les personnages et tout… pourquoi il a mis de la résurrection ? Erreur !. Mais vraiment, carton rouge, ça casse tout le truc et là-dessus, voilà, c'est pour ça que je ne peux pas être complètement du côté de Game of Thrones, parce que pour moi, ça, ça pète tout le suspense.
[Lionel Davoust] Je ne peux pas disconvenir effectivement. Effectivement.
Et ça, et je ne disconviens pas, justement pour, je l'espère, attirer les faveurs du public de mon côté, pour montrer que je suis de bonne volonté.
Mais cela dit, c'est vrai. Alors, concernant le désenchantement, je suis désolé, mais les enfants de la forêt, quand ils se rendent compte de ce qu'ils ont fait avec les marcheurs blancs, désenchantement de deux mille pour-cent. Rendez-vous compte !
[Morgan of Glencoe] ] Mais y’a encore des gens qui l’utilisent.
[Lionel Davoust] Alors dans Game of Thrones, il y a des écoles qui sont vachement différentes les unes des autres. Concernant le sentiment, parce que ce que mon adversaire décrit concernant la magie ressemble effectivement (je suis d'accord avec Benjamin) un petit peu un sentiment religieux qui pour moi, est une chose différente. Je soumets un non-lieu en disant à notre bien-aimé directrice artistique que peut-être, nous aurions dû avoir une manche sur la religion.
[Betty Piccioli] Je rappelle que je ne vote pas.
[Lionel Davoust] Mais je triche !
[Morgan of Glencoe] Moi, j'ai un truc à redire, c'est qu'en fait, la magie chez Tolkien marche à l'émotion. En fait, la magie chez Tolkien se révèle uniquement quand on va être justement dans les situations, en fait dans ce moment où on a ce dernier regain d'espoir. C'est pour ça que la fiole de Galadriel ne se rallume, que quand, en fait, Sam, il est tout seul face à Arachne, que c'est son seul moyen de la faire reculer.
[Betty Piccioli] C’est pas du tout une facilité scénaristique.
[Morgan of Glencoe] Si, totalement. Mais c'est pas grave, parce qu'en fait, c'est ce réenchantement du monde. En fait, c'est ce moment où tu t'y accroches, au réenchantement du monde.
[Lionel Davoust] C'est dragonball, en fait.
[Morgan of Glencoe] Oui.
[Betty Piccioli] Je suis désolé. J'ai pris parti. C'était horrible de ma part.
[Morgan of Glencoe] Tu as le droit. Je t’ai taquinée dès l’entrée.
[Betty Piccioli] Je dirai un truc gentil sur le Seigneur des Anneaux quand je trouverai quoi dire.
Ah, on va voter. C'est un peu plus compliqué.
[Morgan of Glencoe] C'est compliqué parce que le premier rang est très jaune, mais le deuxième est très bleu…
[Betty Piccioli] Alors je propose que les bleus laissent la main levée et les jaunes enlèvent pour l'instant qu'on fasse une comptabilité. Une cinquantaine. Les jaunes, s'il vous plaît. Quarante-cinq, ça fait un peu moins de moins. Donc là, c'est les bleus qui ont gagné. Hum ouais. Ça a été vraiment genre à cinq voix près. C'est le point pour Game of Thrones, du coup.
Merci beaucoup, et on passe à la suite, c'est-à-dire la manche sur les personnages. Je vois que ça discute dans le public, je sens.
Je sens qu'il y a des frustrations. C'était le but, les personnages des deux côtés. Alors j'ai, j'ai été sympa. J'ai pas trollé sur cette diapositive. Mais voilà, débattons de ces personnages.
On peut lancer le chrono et j'ai l'impression que Morgan veut commencer.
[Morgan of Glencoe] Ouais, alors je vais commencer par un truc, parce que y a un truc qui m'énerve c'est les gens qui ont vu que l'adaptation de Peter Jackson et qui pensent qu'il y a que trois meuf dans le Seigneur Anneaux. C'est faux, il y en a neuf déjà, ceux qui déjà et qui maintenant, ça équilibre vachement ratio. Je tiens à rappeler un truc : c'est les neuf meuf en question. Il y a aucune d'entre elles qui a besoin de jouer les mecs et d'être pire que les mecs pour être intéressante. Les neufs meufs qui parlent dans le dos sont toutes cool et intéressantes. Et d'ailleurs, la plus cool, c'est Lobelia Sacquet de Besace. C'est une petite hobbit de quatre vingt dix cm qui attaque Saroumane à coups de parapluie rose. Voilà !
[Betty Piccioli] Voilà, Morgan, je vais te couper. Oui, je vais un peu spoiler, mais il est possible que la manche bonus parle des personnages féminins. Alors, restons sur quelque chose de plus… général pour le moment.
[Morgan of Glencoe] D'accord alors. Mais même les personnages masculins.
Je suis désolé de dire que le héros du Seigneur des Anneaux, c'est Sam Gamegie. Ok, c'est voilà, c'est Sam Gamegie on est d'accord ? Ok et Sam, SAM !
Merde mais Sam ! Alors, déjà, on va dire qu'on va commencer par prendre la masculinité toxique et tirer dedans, parce que le type, c'est un jardinier d'accord, qui sait pas se battre. Il est gentil comme tout ! Dans la vie, il aime faire la cuisine et faire pousser des trucs, voilà, c'est toute sa vie. Et le mec qui se retrouve embarqué dans un truc dix fois trop grand pour lui, clairement, voilà. Tolkien, je suis désolée mais il va jamais dans le concours de quéquette. Alors que Game of Thrones… Ah, est-ce qu'on l'arrête à un moment donné le concours de quéquette ? Parce que c'est comme ça tout du long.
[Lionel Davoust] Y’en a qui la perdent, hein !
[Morgan of Glencoe] Oui, voilà ! Voilà, merci ! Je l’attendais ! Merci. Lionel, je t'adore.
Alors certes,c'est des personnages qui se veulent mythologiques, mais en fait, ils restent très, très humains dans leur approche du monde. Y compris des elfes et les nains.
Et Tolkien il sombre jamais dans la facilité au niveau des personnages. Quand vous lisez le Seigneur des Anneaux, le livre pardon, mais en fait, le personnage rigolo du groupe, c'est Legolas. Je vous jure, c'est Legolas. Legolas arrête pas de dire des conneries, en fait, dans le bouquin. Voilà, et c'est vraiment très, très, très jouissif. Et je pense que là-dessus, Tolkien, en fait, on a tendance à sous-estimer beaucoup ces personnages, parce qu'on a Peter Jackson dans la tête et quand on relit Tolkien, il a des personnages subtils, intéressants et variés. Dans Game of Thrones on a un immense concours de quéquette géant.
[Lionel Davoust] Alors, euh. Avec les personnages dans la situation. Je pense qu'on a à peu près le même genre de dialectique- qu’avec le woldbuilding qui est que, forcément, les personnages sont le fruit du monde. Et que, comme l'a dit mon estimée adversaire, les personnages ont, effectivement, un petit côté mythologique. Si on veut plus de complexité et plus de teintes de gris, on va aller chercher plus chez Game of Thrones. Ce qui est très intéressant chez Game of Thrones, c'est que même chez les pires enfoirés, sauf les vrais sociopathes, (c'est-à-dire en gros, ce qui vient tout de suite à l'esprit, c'est Joffrey Baratheon et Ramsay Bolton) même, chez Sandor Clegane, il y a une part d'humanité, il y a une légère part de rachat. Même chez Jaime Lannister. (parce que je suis désolé, j'ai toujours lu ça comme ça à l'espagnole) qui dit des horreurs, qui est absolument enfoiré, qui nous est présenté comme tel parce qu'ils poussent du haut de la tour dès le début.
Petit à petit, il y a cette espèce d'humanité. Même Cersei, qui est brisée à l'intérieur, même si c'est tous des enfoirés que tu veux évidemment pas partager un ascenseur avec. Il y a quand même, derrière ça, une étude sur toute l'ambiguïté de l'âme humaine et toute la difficulté des forces. Alors, on peut considérer qu'on n'adhère pas à ce qui est tout à fait légitime, mais toute la difficulté de gérer avec les forces sociales, qui nous placent dans une situation, dans un rôle. Et il y a toujours une part de rédemption et une part de noirceur chez tout le monde. Jon Snow est agaçant aussi des fois quand même, alors que c'est quand même clairement censé être le héros un peu doté d'immunité scénaristique.
[Morgan of Glencoe] Donc, pardon, il y a des moments où il est pas agaçant, Jon Snow ?
[Lionel Davoust] Quand il se tait. Donc, c'est un peu le même genre de problématique avec le worldbuilding. C'est que en fait ça, évidemment qu’il n’y a pas de personnages de Game of Thrones sans Tolkien à la base, mais on va plus loin.
[Morgan of Glencoe] Plus loin. Comment dire ? Il y a des persos gris chez Tolkien, d'accord déjà, il y a Boromir.
[Betty Piccioli] Il y a Gandalf le Gris.
[Morgan of Glencoe] Il y a Gandalf le Gris. Alors lui plus gris, tu meurs. Voilà, cancer, tumeur merci. Et même, en fait, chez Tolkien, il y a aussi Denethor, qui est extrêmement gris. Moi, en fait, le truc, c'est que les personnages de Game of Thrones, ils ont tous plus ou moins des objectifs similaires. On est dans le jeu des trônes et c'est qui gagnera le jeu des trônes. Dans Tolkien c’est développer son propre destin en tant que personne. Typiquement, tu parles de rédemption et tout, mais en fait, Boromir, Faramir, Denethor c'est exactement ça, en fait. Et c'est largement aussi bien traité que dans Game of Thrones. La rédemption de Sandor Clegane, très bien, mais la rédemption de Boromir, on en parle ? Alors certes il meurt… Mais Sandor Clegane aussi, en fait.
[Betty Piccioli] Alors, on va laisser Benjamin donner son avis aussi.
[Morgan of Glencoe] Pardon.
[Benjamin Patinaud] Non, justement, je me base un petit peu sur ce que vous dites, je pense, qui ressort là-dedans, pour faire un choix, c'est : qu'est-ce qu'on cherche dans la création de personnage. Moi, je suis tout à fait d'accord pour dire que les personnages du Seigneur des Anneaux sont extrêmement inspirants. Ils sont très beaux mais c'est un peu aussi ce qu'on pourrait trouver… c'est très naïf en fait, et très enfantin.
Et ça a un bon côté, c'est-à-dire que c'est ça qui les rend inspirants aussi. C'est-à-dire que, voilà, on a envie d'être Aragorn. Je trouve qu’Aragorn c'est un beau modèle, mais est-ce que ce qu'on cherche, c'est d'avoir des rôles modèles ?
Où est-ce qu'on cherche plutôt à comprendre comment fonctionne l'humain? Est-ce que c'est ça un bon personnage ? Parce que si c'est pour comprendre comment fonctionne l'humain, d'un point de vue psychologique, comment il est le produit de son environnement, du monde dans lequel il vit, de de sa famille, ce genre de choses.
Et comment, justement, ils deviennent antagonistes, entre eux, pour plein de raisons comme ça, je suis désolé, c'est Game of Thrones, parce que, par exemple, les antagonistes, les vrais antagonistes, dans le Seigneur des Anneaux ne sont même pas des personnages, ce sont des forces maléfiques. Donc, qu'est ce qu'on juge sur cette question ?
[Morgan of Glencoe] On juge ce qu’on a en nous.
[Betty Piccioli] Là je me demande si ça peut être un peu compliqué aussi niveau niveau vote. Je vous laisse voter.
[Morgan of Glencoe] C'est pas aussi écrasant que la première… Mais c’est Game of Thrones.
[Betty Piccioli] Ouais, donc, le bleu gagne Game of Thrones, sur cette manche. C'est parce qu'elle a n'a pas pu répondre.
On passe à la dimension politique, car tout est politique ! Et il y a beaucoup de choses à dire et juste, je crois que je vous ne l'avais pas précisé, mais la manche suivante, ce sera les batailles. Donc on pourra avoir une manche vraiment militaire juste après. Donc, sur la politique, vous pouvez parler d'autre chose que ça.
On peut lancer le compteur.
[Lionel Davoust] Bon alors. Game of Thrones, c'est quand même tout basé sur des intrigues politiques, quasiment, et j'en veux pour preuve que, évidemment, là, dans la complexité du traitement et dans sa finesse, vous ne vous rappelez pas, évidemment, le nom du deuxième assistant du garçon d'écurie. Même si vous avez la liste à la fin.
Game of Thrones porte la complexité de ses intrigues à travers le fait qu’il y a dix pages d'annexes à la fin, pour vous donner le nom de tout le monde. Game of Thrones est ancré et inspiré par Les rois maudits de Maurice Druon et par, entre autres, la guerre des Deux-Roses. Et Martin s'est beaucoup inspiré du contexte historique et des réalités, évidemment pour une œuvre de fantasy dans la gestion économique, politique, territoriale, etc. de son monde fictif. Toute son histoire est basée sur des questions de politique et je pense que je préfère voir comment est-ce que mon estimé adversaire va se débrouiller, parce que il y a juste pas test en fait.
[Morgan of Glencoe] Ah, ouais, alors d'accord. Mais moi, j'ai une question pour toi : qu'est-ce que Game of Thrones raconte sur la politique de notre monde ? Parce que je peux dire ce que Tolkien raconte sur la politique de notre monde.
La politique en soi, à l'intérieur du bouquin lui-même, chez Tolkien, elle n'est pas faite pour être développée. Cependant, quand il nous parle de notre monde, là, Tolkien il dit des choses. D'abord. Comment dire ? C'est anticolonialiste. Parce que je rappelle que, à la fin, les Rohirrim, ils s'assoient quand même sur une partie de leur territoire, pour le rendre à Ghân-buri-Ghân et à sa tribu. Donc la tribu de pécores dans les bois qui font face au royaume d'en face. “Maintenant, vous nous rendez la forêt, vous faites chier !”
À un moment où, comment dire? Il y a une certaine Irlande qui n'est pas encore indépendante d'un autre pays. Voilà, on va en parler.
Comment dire, au niveau du bouquin ? C'est un bouquin profondément antimilitariste et anti-guerre, parce que tout ce qu’il décrit de la guerre Tolkien, c'est jamais la gloire, c'est toujours l'horreur. Et ça, c'est important parce qu'en fait, Tolkien, sa politique intérieure, peut-être qu'effectivement elle est faite pour être mythologique, elle est faite parce que c'est ça qui cherche à faire, c’est une mythologie. Donc, à partir de là, il va pas aller faire des dimensions politiques complexes et identiques à notre monde. Non, il va pas aller chercher Maurice Druon, il va pas aller chercher l'histoire de France. Mais ce qu'il raconte sur notre monde a il le dit. Il raconte la difficulté de revenir chez soi après la guerre, il raconte la résistance, avec Lobelia Saquet-de-Besace (parce que ce perso est trop cool) et d'autres hobbits qui se retrouvent pris dans une guerre qui les dépasse complètement.
Pardon, mais il fait un énorme hashtag #Metoo, mais en 1953.
Parce que Eowyn hashtag #Metoo qui envoie Aragorn dans les cordes alors qu'elle a un crush monumental dessus en mode “Ben, en fait, à un moment donné… Là, ça s'appelle du harcèlement sexuel qu’il me fait l'autre.” Ok. Voilà. Et Tolkien, qui prend la défense d’Eowyn, qui la légitime dans le scénario, qui lui offre un trophy boy à la fin, qui est tellement trop cool parce que c'est Faramir il est chouchou-mignon, voilà.
Et qui lui donne, à elle aussi, une deuxième vie où elle n'a plus à se battre. Je suis désolé, qui donne une régnante, une héritière… Tolkien, ce qu’il offre, en fait, c'est aussi un message, pas forcément dans son monde, mais à notre monde.
[Lionel Davoust] Alors, sur la complexité de la politique de Game of Thrones, je vais temporairement à moitié changer de camp.
Parce que y’a un truc compliqué pour déterminer de la fidélité et de l'intérêt de la politique de Game of Thrones, c'est comment ça va se finir. Pour l'instant, on a évidemment la série et on n'a pas les bouquins.Dans le cadre de la série… La fin de la série a déçu pour beaucoup de raisons. Y’a une trahison majeure des attentes et des promesses narratives de Game of Thrones dans la série, qui est que, en gros : c'est tout ça pour ça ?
Surtout qu'en plus, c'est un manque de respect fondamental à un trope fondamental de la fantasy, qui est que, normalement, on nous raconte un changement d'âge. On nous raconte tout ça parce que il y a un changement, depuis Tolkien.
Il faudra voir comment les bouquins se passent, mais, en l'occurrence, je ne peux pas nier que la politique de Game of Thrones, telle qu’elle est montrée dans la série, pour toute sa finesse et toute sa complexité de représentation… Au final ne change rien. Ce qui est une faute à mon humble avis. On va espérer que les bouquins rattrapent le coup.
[Benjamin Patinaud] Moi, je trouve très beau ta défense de belles valeurs dans Tolkien, parce que c'est un truc que je trouve qu'on dit pas assez souvent. C'est bien aussi de voir qu’il y a des belles choses, y compris politiquement, qui peuvent être portées dedans. En revanche, je trouve que tu fais ça avec une petite prise de risque, parce qu’on peut aussi faire l'inverse. C'est-à-dire qu'on pourrait aussi parler de choses politiques dans Tolkien notamment, la vision de ce que sont des races, et de comment ces races sont perçues, ou ce genre de chose qui est en fait…
Qui m'amènent plutôt à dire que le problème de la politique dans Tolkien, c'est que tout le monde peut y voir beaucoup de choses et je pense qu'elle est très chargée de beaucoup de choses, parce qu’elle est pas très concrète et très symbolique. Et ça parle de choses, ça parle du pouvoir comme une force, pas comme une chose réellement matérielle, etc. Donc, je trouve que c'est un tout petit peu risqué d'aller sur le terrain, justement, de ce que porte l'œuvre là-dessus et je pense que, Tolkien, c'est le problème, c'est que c'est quelqu'un qui fuit la politique. Pour plein de raisons qui le concernent. Et je pense, qui sont très bien, et c'est quelque chose qu'il essaie de fuir aussi avec ce monde-là.
Quand, quand il le crée. Game of Thrones, je suis désolé, c’'est manifestement écrit par quelqu'un qui prend la politique de front et je ne suis pas d'accord pour dire que ça, ça ne parle pas de choses de notre monde, puisque ça parle de comment fonctionne la politique réellement dans notre monde. Et je prends un exemple tout bête là-dessus, c'est que les discours qu’il y a sur le pouvoir, sur la politique, sur la légitimité dans Game of Thrones par exemple entre les personnages entre eux même qui en parlent, ce qu'ils disent, ça, ça a été écrit par quelqu'un qui s'intéresse à l'histoire politique. Dans le Seigneur des Anneaux, la légitimité du roi, c'est qu’il est gentil et c'est le descendant du roi d'avant. Et je suis désolé, c'est un peu de la politique pour les enfants, et un petit peu naïve, et voilà, je suis pas sur qu’il y ait trop match là-dessus.
[Morgan of Glencoe] Il vient de désavouer ses propres arguments !
[Betty Piccioli] Il vient de de se pencher et dire qu'il ne pensait pas.
[Morgan of Glencoe] Il vient dire qu'il ne pensait pas !
[Lionel Davoust] Il ne l'a pas dit dans le micro, ça compte pas.
[Benjamin Patinaud] Et vous vous applaudissez, je ne sais pas. Non, je précise un truc. C'est pas comme si quelqu'un avait attaqué Tolkien en disant : c'est raciste, c'est réactionnaire… J'aurais fait exactement l'inverse.
J’aurais dit oui, mais non, justement, il y a des très belles valeurs dans Tolkien.
[Morgan of Glencoe] J’ai pas parlé d’écologie encore !
[Benjamin Patinaud] Voilà, c'est juste parce que t'as bien défendu ce point là que voilà, je me suis mis en contrepoint.
[Morgan of Glencoe] Voilà, vous voyez ça en plus. Je n'avais pas d’allié.
[Betty Piccioli] Alors on va voter, s'il vous plaît, pour cette nouvelle manche.
C'est très bleu quand même.
[Morgan of Glencoe] Eh mais j'ai plus de fan de Tolkien là.
[Lionel Davoust] L'œuvre parle d'elle-même.
[Morgan of Glencoe] Vous me laissez seule ! En plus maintenant… Voilà, je me retrouve seule contre tous.
[Betty Piccioli] Et je remarque que personne n'avait remarqué, mes très belles illustrations pour la partie politique.
J'avais géré…
[Morgan of Glencoe] J’avoue, ils ont tous des gueules de cons…
[Betty Piccioli] Maintenant, du coup, on va parler des batailles. Voilà, ça a été une demande faite par Lionel et Morgan sur Twitter. Vous avez dit que vous vouliez des batailles. Donc, j'ai rajouté une manche sur les batailles, voilà pourquoi elle est là. Dites ce que vous voulez en dire.
[Morgan of Glencoe] Non, mais vas-y commence. Commence par me dire que les dothrakis sont devant les murs. Vas-y. Dis-le.
[Lionel Davoust] De la même façon que Martin s'est beaucoup intéressé à la politique. La politique, malheureusement, comme disait l'autre, “la guerre est la continuation de la diplomatie par d'autres moyens”. Martin s'est énormément intéressé à la réalité et à l'horreur de la guerre à l'époque médiévale. La guerre et la stratégie militaire chez Tolkien, encore une fois, elle a des couleurs mythologiques, parce que je suis désolé, mais le gouffre de Helm, le gouffre de Helm qui est censé être la forteresse inexpugnable qu'on a construit dos à des montagnes, nickel. J'imagine bien le chef architecte, un jour, qui arrive et qui fait : “Excusez-moi mais c'est quoi ? Le truc est dans la muraille, là ?” “Ca, chef, mais c'est un trou, c'est pour l'alimentation en eau, y’a une rivière qui passe à travers.”
“Pour une forteresse inexpugnable ? Vous êtes sérieux ?”
“C'est bon, vous regardez, regardez. Vous allez voir ça, ça, ça va regarder, regardez : on a mis une grille.” Ouais, ça serait quand même super ballot que dans ce monde hyper magique et tout, il y a un jour un type qui invente un truc qui explose. Ça ne serait pas de bol.
Donc la stratégie militaire quand on met un trou dans une muraille…
Plus sérieusement, la stratégie militaire chez Tolkien, elle a valeur, encore une fois mythique. C’est des batailles homériques, au sens premier du terme, et ces batailles mythologiques.
Elles ont vocation à être plus émotives qu'autre chose.
Et attirer de l'émotion, ce qui est un certain but. Mais encore une fois, ça dépend de ce qu'on cherche. Chez Martin y a un véritable souci de l'organisation militaire, pensant également à tout ce qui concerne le ravitaillement d'une armée, la logistique d'une armée, les distances de marche, sauf sur la fin de la série où les dragons découvrent l’interstice…
[Morgan of Glencoe] Les dothrakis devant les murs ! Les dothrakis devant les murs !
[Lionel Davoust] Voilà… Les dragons de Daenerys deviennent des dragon perdre tout ça.
Donc il y a un véritable souci de ça et notamment de tout ce que représente une guerre sur également l'économie d'un royaume, c'est-à-dire tout ce qui concerne le soutien en termes d'aliments, de d'alimentation, de transport.
Evidemment tous les ravages que ça entraîne.
Les populations qui subissent la chose, le fait que si t'as envoyé tout le monde crever à la guerre, il y a plus personne pour s'occuper des champs et que c'est un autre problème.
Ce sont des choses qui sont absentes chez Tolkien parce que ce n'est pas le projet de Tolkien. Mais en termes de vraisemblance, d'intérêt de stratégie militaire, Martin est quand même beaucoup plus ancrée dans la réalité, l'horreur et la difficulté des choses.
[Morgan of Glencoe] Alors je suis d'accord et en même temps pas d'accord. Voilà, parce que, de fait, il a toujours une dimension militaire. Et en fait, Tolkien, je trouve que là où on retrouve quelque chose de la bataille et de l'émotionnel, c'est qu'en fait, pardon, mais tu sens qu'il l'a fait la guerre. Quand il te parle des cris des Nazgûl, il les identifie lui-même dans une interview au sifflement des bombes au-dessus des tranchées. Quand il te parle de la guerre qui te prend aux tripes et qui te démembres, littéralement, eh ben, tu, tu sais qu'il l'a vécu, et tu sais aussi quand c’est le désespoir.
Bon, ben voilà, Martin en avant. L'armée est devant les murs qui sont censés protéger l'armée. Meilleure idée du siècle, pardon.
[Lionel Davoust] C’est la série ça…
[Morgan of Glencoe] On a dit qu'on avait le droit d’être de mauvaise foi.
Et puis, je suis désolé, mais même même, honnêtement, même même dans les bouquins.
Les marcheurs blancs, là, super gros mur. Alors, on a fait un beau gros mur, hein, c'est bien. Oui, désolé de dire qu'il y a aussi des trous dedans, hein ? Voilà, et des trous qu'on peut franchir direct. Il y a même pas de grille.
Alors là…
[Lionel Davoust] C'est pas vrai. Il y a des grilles ! Y’en a deux ! C'est deux fois plus que dans le gouffre de Helm !
[Morgan of Glencoe] Sauf que dans le gouffre de Helm, le machin déjà, il avait un vague intérêt, ce qui est une foutue rivière qui passe, quand même au cas de siège. Parce que, en cas de siège, l'approvisionnement en eau, ça peut servir à un moment donné.
Aussi. Le trou dans le mur de glace, il sert à rien. Il n'a aucune autre utilité qu'être un trou dans le mur de glace. Alors il n'y a même pas l'excuse. En plus, le gouffre de Helm, ce n'est pas une si mauvaise stratégie quand tu penses que l'autre stratégie, c'était Edoras. A savoir un machin, un château en plein milieu d'une plaine hyper facile à assiéger et attaquer, alors ce n'était pas une bonne idée. Le gouffre de Helm, c'était mieux. En plus, quand Tolkien fait des stratégies désespérées... Il les déclare comme désespérées ! Alors que des fois Martin, il nous refait le coup de c'est moi que le plus gros ça va. Et en fait, ça fois. Ou, des fois, ça ne foire pas, mais il y a des fois quand même où il se repose beaucoup sur : “bon, et alors donc, du coup là, on a des dragons et on va envoyer des dragons”. Et puis Tolkien il parle aussi des gens qui attendent, et de ce qui se passe quand on est parti et qu'on revient, et que ta maison elle est détruite derrière. Et ça, Martin…
[Betty Piccioli] Très bien, Benjamin ?
[Benjamin Patinaud] Hum, je suis assez d'accord pour dire que, quand même, Martin est, comme pour le reste, plus matérialiste. Sur la guerre ça dit plus tout ce qu'est la guerre en terme d’histoire, de ce que ça représente pour tout le reste de la société, tout ça. Mais ça prouve aussi un truc, c'est que cette approche-là, ça fait des moins bonnes batailles.
Parce que là, on parle des batailles, et en heure, et en fait, je suis désolé, les bataillesdu Seigneur des Anneaux, du fait justement d'avoir une autre approche, c'est beaucoup plus épique et c'est beaucoup plus impressionnant. Il y a un souffle comme ça qui est dedans et qu'il n'y a pas, mais parce qu'il n'existe pas effectivement dans la guerre, ce souffle.
Ça marche pas exactement comme ça et du coup, elles seront toujours plus marquantes, et toujours plus fortes et je rajouterais en plus un point pour vraiment être du côté de Tolkien, c'est qu’il arrive à faire un tour de force. Il arrive à faire des batailles extrêmement épiques et mémorables, et dont vraiment, on se souviendra toute notre vie. Ce soufflet, y compris dans les adaptations.
De même, ça fonctionne même à ce niveau-là, c'est que c'est beaucoup plus impressionnant.
Au cinéma ce genre de bataille. Il réussit à faire ça en ayant un propos anti-guerre, et ça, je trouve que c'est un tour de force. Et là, je suis désolé, je suis full côté Tolkien.
[Morgan of Glencoe] Ah merci, j'ai enfin du soutien à nouveau.
[Betty Piccioli] La manche est finie avant la fin du chrono. C'est merveilleux. Bravo à vous.
Il va falloir voter pour les batailles.
[Morgan of Glencoe] Ah, là c’est Tolkien. Là, ma team ne me trahit pas.
[Betty Piccioli] C’est jaune, c'est jaune. Un point pour Le Seigneur des Anneaux. Alors, pour les adaptations j'ai fait un choix…. Mais j'ai fait un choix des deux côtés. Vous admirerez quand même ce que j'ai fait. J'ai fait les choses bien. Je suis restée neutre.
Plus ou moins. Et on va laisser Benjamin commencer sur les adaptations, si ça te va.
[Morgan of Glencoe] Là, t’es obligé de défendre Tolkien.
[Benjamin Patinaud] Ah mais là, pas de problème. Mais en fait, je suis même surpris de la tournure des événements, parce que c'est facile d'aller dire : oui, oui, il y a le Hobbit, etc. Non mais attendez : Le Seigneur des Anneaux de Peter Jackson !
Qui n'est pas, évidemment pas la seule adaptation, mais qu'on se rappelle de l'impact que ça a eu, pa juste dans le domaine de la fantasy, parce que déjà, ce que la fantasy doit dans son regain d'intérêt, grâce à cinéma-là, déjà on pourrait, on pourrait le dire, grâce à ces films-là, mais même ça a impacté le cinéma à un niveau incroyable. On ne pouvait plus faire de bataille comme avant Peter Jackson. Maintenant, il fallait juste singer Peter Jackson ou trouver d'autres façons de faire. Ça a été vraiment incroyable ! Et en plus, là, je pense vraiment ce que je dis. Je ne vois pas comment l'existence de certains trucs remet en cause l'impact culturel et la réussite qu'ont été la trilogie de Peter Jackson.
Alors que… On pourrait parler d’autres adaptations notamment du Hobbit, de choses comme ça, en dessin animé. Bon, il y en a peut-être aussi un petit peu plus, mais au moins, quand même il y a les films de Jackson, là Game of Thrones, y’a… (J’ai pas vu la série spin-off là, avec les dragons et tout) la série Game of Thrones.
Bon, je n'aurais pas tenu le même discours dessus si on était à la saison trois ou actuellement, etc. Mais là on a l'inverse, c'est-à-dire qu'on a une série qui a été une grande réussite pendant un moment et qui a déçu tout le monde, mais qui, en plus, a gâché l'œuvre originale pour beaucoup de gens. Pas juste parce qu’on aurait dû faire l'effort de le lire ou quoi que ce soit, c'est que comme elle a été plus loin et qu'elle lui a donné une sorte de fin, et que cette fin est quand même… Il y a quand même consensus sur le fait qu'il y a un problème avec ce truc-là, y compris, je pense, que, parmi les gens qui l'ont fait parce que, manifestement, ça s'est pas très bien passé.
Je suis désolé, pour moi, il y a pas photo : entre quelque chose qui gâche vraiment pour les années à venir le matériau originel et quelque chose qui lui redonne un regain d'intérêt tout en bouleversant le médium du cinéma lui-même. Pour moi, y'a pas photo.
[Lionel Davoust] On constatera, je dirais, à mon aimable adversaire qu'on constatera que le matériau d'origine a été tellement bien gâché qui a eu un spin-off derrière.
[Betty Piccioli] Visiblement un spin-off qui se passe avant.
[Lionel Davoust] Oui, mais alors ça, c'est la grande mode dans tout ça. Je veux pas dire, mais dans le en terme d'adaptation, le Hobbit c’est avant le seigneur des Anneaux aussi, hein. Moi, je dis ça, je dis rien.
Sur les adaptations, je suis, bien sûr, je suis entièrement d'accord, car il faut commencer par être d'accord avec son adversaire avant de commencer à être de mauvaise foi.
Je suis entièrement d'accord sur l'impact qu'a eu le Seigneur des Anneaux en termes de cinéma.
On peut également parler de ce qui a durablement gâché, c'est-à-dire le Hobbit. Et je soumettrai à la sagacité de l'audience ici présente, extrêmement sagace, que le Game of Thrones a eu le même genre d'impact sur la série télé. Au moment où Game of Thrones arrive, on n'ose pas. On commence à se dire : la série télé, ça marche un peu comme ça.
On pourrait mettre un petit billet dedan, HBO ose le faire après avoir tenté quelques grosses productions, notamment Rome, série des années 2000 qui est excellente, qui commence à avoir un peu du gros budget. Et dans Game of Thrones il y a le début de cette mouvance. Game of Thrones change le Game aussi, à partir de là, pour les séries tv.
Et entraîne et engouffre tout un tas d’imitateurs, ce qui nous a donné toutes les séries de fantasy qu'on a actuellement, de The Witcher en passant par Wheel of time, etc. Qui sont de qualité variable, mais sans ça, sans Game of Thrones ça n'existe pas. Et ça aussi ça change les codes de la série télé, d’une part, parce que, évidemment, ça montre qu'il y a de l'intérêt pour ça, mais surtout aussi, ça montre qu'on peut mettre en scène et qu'on peut financer des projets de taille considérée comme étant proprement déraisonnable, avant qu'on fasse ça. Après, concernant la fin, voilà bon.
Mais si l'on parle des adaptations, je pourrais, mais je vais charitablement ne pas le faire. Je pourrais parler, par exemple, du dessin animé de Ralph Bakshi. Mais j'ai encore de la décence.
[Morgan of Glencoe] Alors vous avez vu que j’ai pris la place de Benjamin. Je me suis mis au milieu parce que je vais vous dire, je déteste les deux.
Voilà. Alors, je reconnais à Jackson qu'il a rendu hommage à l'esthétique et à l'univers de Tolkien, mais je ne lui pardonnerai jamais d'avoir inversé les caractères de Gimli et Legolas pour le plaisir de se moquer du petit rouquin au lieu du grand blond, et je lui pardonnerai jamais ce qu'il a fait aux personnages d’Éowyn. Voilà, à un moment donné, Éowyn, c'est une putain d’héroïne féministe, qu'on le veuille ou non, c’est dans le texte, littéralement. Et Jackson, en 2003, arrive à faire un film plus sexiste qu'un bouquin écrit cinquante ans avant. Et ça je peux pas. Et de l'autre côté, Game of Thrones. Je suis désolé, mais moi, à un moment donné, le sexisme je me le tape au quotidien, à quel moment ils rajoutent un viol à Daenerys alors qu'avec Drogo, c'était censé se passer…. Et pourquoi d'ailleurs ils rajoutent des scènes de cul ? Et pourquoi il faut que, à chaque fois, toutes les meufs, elle aient des plans sur leurs nichons et sur leur cul ? Et en fait, j'en ai marre des trucs filmés en male gaze qui passent leur temps à se branler la nouille.
[Applaudissements du public]
[Morgan of Glencoe] Alors les adaptations : zéro ! Retournez bosser sur le matériau de base !
[Betty Piccioli] Très bien, est-ce que vous savez des choses à dire du coup ? Les garçons ?
[Rires du public]
[Betty Piccioli] Est-ce que vous voulez qu'on arrête la manche là ? Eh ben on va s'arrêter là.
Les choix d'intervenants étaient plutôt bons sur cette battle. Vous allez pouvoir voter… si vous l’osez.
C'est jaune, Seigneur des Anneaux !
Alala, c'est fou. On arrive avec une égalité.
[Lionel Davoust] J'aurais dû parler de Ralph Bakshi.
[Betty Piccioli] Une manche bonus, pour départager les deux œuvres. Avec un point supplémentaire. Et tu m'as fait une très belle transition, parce que mon introduction de la manche bonus, c'était donc les personnages féminins. Ouais, je me suis fait plaisir là aussi.
Les personnages féminins : vaut-il mieux en avoir très peu, et assez archétypaux, mais plutôt bien fait ? Ou vaut-il mieux en avoir beaucoup, et qui passent leur temps à se faire violer, à être nues et, si on peut parler de la nouvelle série aussi, à avoir des accouchements horribles, tous les épisodes. La question se pose, et je vous laisse répondre. Qui veut commencer ? Je pense que c'est Morgan qui va commencer.
[Morgan of Glencoe] Alors, ouais, là on arrive sur un truc sur lequel j'ai beaucoup trop bossé, hein, je suis désolée. Ça risque de pas être d'aussi mauvaise foi que ça. En tout cas… j’ai vraiment le droit, là ? Tu te rends compte de ce que tu vas faire ?
[Betty Piccioli] Si on reste sur quelque chose de raisonnable niveau temps.
[Morgan of Glencoe] Oui, je fais des efforts.Tolkien, de fait, a moins de personnages féminins que de personnages masculins. Par contre, il ne fait jamais de voyeurisme avec ses personnages féminins. Tous ces personnages féminins sont construits, sont utiles, ont une vraie personnalité marquée, parfois amusante. Oui, Lobelia, c'est la petite vieille acariâtre et vénère. En fait, déjà, on en parle, du fait qu'il fout une meuf, de cent ans, en fait, qui est une résistante, qui est portée en honneur à la fin, alors que, depuis le début, on disait : non mais c’est la petite vieille qui pique des petites cuillères, c'est la tatie Danielle… Sauf que la tatie Danielle était une héroïne, en fait. Donc, déjà, ce perso est beaucoup trop sous côté. Ensuite, tous les autres personnages qui nous sont présentés. Alors, comment dire? Arwen, c'est l'héritière de son père. Quoi ? Elle est plus jeune que ses frères ? On s'en fout, c'est l’héritière, puisque c'est elle la plus intelligente, en fait. Voilà la vraie raison. Et elle épouse qui elle veut. Son père est pas d'accord ? Mèrde, papa, voilà. T’as dix mille ans ? Rien à secouer. J'en ai peut-être que trois mille, mais je m'en fous.
En fait, il a des personnages féminins qui sont libres, qui sont puissants. Galadriel, c'est une régnante, désolé de dire qu’à côté, Celeborn, il passe le balai. Parce que, en fait, ces personnages féminins, ils sont pour ce qu'ils sont, et Galadriel, c'est une reine.
Elle refuse le pouvoir masculin. Elle le refuse. On le lui donne. Frodon il arrive, tu prends l’anneau s’il te plait, décharge-m’en et elle est là : je pourrais. Et je pourrais devenir un mec, je pourrais devenir Sauron, je pourrais défoncer la gueule de tout le monde. Et bien, tu sais quoi ? Je ne vais pas le faire, parce que c'est plus important de protéger le monde, de protéger mon royaume et d'assurer la justice, l'égalité et la lumière dans les ténèbres, ok ? Voilà, alors à un moment donné, bon voilà.
Ensuite, il y a Eowyn, alors ceux qui ont dans la tête Peter, Jackson, Eowyn est massacrée dans Jackson, elle est massacrée.
Erwin, c'est pas quelqu'un qui va au combat parce qu’elle veut prouver qu'elle est une héroïne. C'est quelqu'un qui va au combat parce qu'elle veut pas que son oncle et son frère y passent, parce que c'est la seule famille qui lui reste. Et quand elle affronte le Seigneur des nazgûls, c'est pas pour gagner la bataille, c'est pour protéger son oncle mourant. Voilà un moment donné, la raison pour laquelle elle y va, c'est parce qu'elle se sait compétente et elle sait qu'elle peut protéger les siens. Elle va jamais jouer à “moi je suis la plus forte, d'abord, ok ? “ C’est pas Brienne de Torth. Brienne de Torth elle veut être la meilleure parce que c'est ça la seule place qu'elle peut avoir. Eowyn elle s'en fout d'être la meilleure, parce qu'elle connaît sa propre valeur et elle s'en fout de prendre des gadins plein la gueule, et elle va continuer à faire ce qui est bien. A la fin elle a un trophy boy et devient herboriste et elle devient guérisseuse et elle est trop cool et ensuite elle règne. Voilà, parce que c'est comme ça qu'on fait. Et quand les mecs disent des trucs sexistes sur elle, y’a toujours quelqu'un d'autre pour les engueuler. Par exemple, à la fin, Aragorn, qui dit à Eomer “Dis-donc, t’es gentil, t'as donné à mon pays la plus jolie fleur de tes champs.” Et là, en fait, Eomer il le regarde et fait : “Mais c'est ce que tu dis ? Tu parles de ma soeur. C'est pas une fleur, c'est une meuf. Elle a choisi qui voulait, en fait.”
Donc, en fait, quand il y a des gens qui disent des trucs sexistes chez Tolkien,les gens disent que c'est sexiste. Voilà, c'est pas parce qu'il y a peu de personnages féminins qui sont pas travaillés, qui sont pas développés, qui sont pas intéressants, qu'ils ont pas d'influence sur l’intrigue. A côté les personnages de Game of Thrones, c'est simple, la plupart d'entre elles, si elles veulent survivre, elles jouent le jeu des trônes. Elles deviennent pire que tous les mecs et à la fin, on a des tyrans génocidaires, des assassins à moitié pété du bulbes, et euh… Sansa. Qui essaye de tirer son épingle du lot, en fait, en étant pire que Littlefinger. Voilà donc en fait les, les meuf dans Game of Thrones, elles n’ont pas le droit à leur féminité. Leur féminité, elle ne peut s'exprimer qu'à travers un masculin viriliste, toxique, hégémonique et vénère, alors que chez Tolkien, elles ont rien à prouver. En fait, elles ont rien à prouver d’autre que : “Je suis. Démerde toi avec ça.”
[Betty Piccioli] Très bien, Lionel ?
[Lionel Davoust] Il est évident que, du point de vue où je me tiens, je ne peux pas défendre une quelconque raison sur ce thème là, quelle qu'elle soit.
Je suis disqualifié d'office, je ne peux pas parler de ce sujet-là, surtout que, de manière générale, sur Game of Thrones, y’a un certain nombre de trucs qui ont été dit. Mais justement, j'allais dire justement, je suis entièrement d'accord avec toi sur, justement, l'aspect que le, le, la société de Game of Thrones est ultra viriliste et qu’il n'y a pas d'autre voie que ça. De manière, dans le cadre du récit, cela se justifie narrativement, parce que c'est le monde qui est comme ça. Maintenant, je pense qu'il est important d'interroger l'intention. Je ne préjugerai pas des intentions de Martin, qui vont derrière, mais je pense que c'est intéressant aujourd'hui et de manière générale, dans les œuvres qu'on fait, de façon générale. Je trouve que c'est intéressant. d’'interroger la question de la société, justement, qu'on doit représenter quand on est en fantasy et qu'on a finalement tous les droits de création, parce que, on n'écrit pas du roman historique vraisemblable, ou en tout cas réel, on écrit de la fantasy. Et la fantasy n'existe que parce que, finalement, elle donne à montrer, on va dire très, de façon très globale, un “passé” avec tous les guillemets du monde. Puisque, évidemment, le passé de Tolkien, même si c'est censé être le passé de la terre, les mondes de Tolkien et Martin sont des mondes secondaires, donc, en gros, c'est des moyen-âges qu’on va dire “fantasmé”, globalement. Mais l'idée, c'est justement de ne pas représenter la réalité. La fantasy est un genre qui est moderne et qui naît justement au tournant du vingtième siècle, parce que il s'établit dans un discours entre nos sensibilités contemporaines modernes et le monde, qui est mythologisé au sens large, qu'on nous amène à montrer. Du coup on peut fortement interroger le projet de présenter justement une société comme ça, au vingt-et-unième siècle au sens large.
Et je ne suis pas dans la tête de Martin. Je ne connais pas les intentions de Martin et je ne veux pas faire un procès d'intention à Martin parce que je ne sais pas.
Mais je trouve que quand on écrit et quand on lit, c’est intéressant de se poser ce genre de questions, de manière générale. Je trouve en fait que le le le fait de dire oui, mais ça représente une certaine réalité historique… Quand on écrit de l'imaginaire, c'est un peu facile, quand même, de s'arrêter à ça.
A mon humble avis, et que c'est dommage de pas pousser la réflexion plus loin.
[Betty Piccioli] Benjamin
[Benjamin Patinaud] Oui, j’ai pas beaucoup mieux. A la limite, si je dois ajouter un truc, je reviendrai, je pense, ça revient un petit peu ce que je disais sur les rôles models et ce qu'on décrit. Ça revient, je pense, à la question de : est-ce que on veut une démarche où on essaie de représenter un monde qui est ultra-violent, et y compris sur les questions de sexisme ? Et alors, ça, est-ce qu'il le fait bien, et ce qui devrait le faire, ça … Je vous laisse seul juge de ça. Mais la démarche, j’ai l'impression que c'est plutôt ça. Et en face, une démarche plutôt, justement, de donner quelque chose qui est inspirant, et qui est alors qu'il sombre aussi des fois, mais qui est, qui est donc censé tirer une lumière et où là on va tirer des rôles modèles, ceux que t'as décrit de manière féminine. A la limite, je dirais même aussi que les représentations de masculinité du Seigneur des Anneaux seraient pas mal à réhabiliter aussi.
[Morgan of Glencoe] Totalement.
[Benjamin Patinaud] Donc voilà, il est plus dans une optique de roles models, y compris aussi à ce niveau-là, et que c’est deux démarches différentes, et que voilà, vous pouvez peut-être juger à partir de ça.
[Morgan of Glencoe] J'ai juste un mini truc à ajouter, c'est que, de fait, là où je peux en quelque sorte excuser Tolkien de faire en fantasy une société sexiste c’est qu’il l'écrit en 1953. Juste pour rappel, en 1953, l'état des droits des femmes… En france, on n'a pas le droit de vote depuis une décennie, on n'a toujours pas le droit de travailler sans l'autorisation de notre mari, ni d'avoir un compte en banque ou de toucher notre salaire directement. Voilà donc que Tolkien n'arrive pas à se projeter dans une société cent pour cent déconstruite et ainsi de suite. Ça peut se comprendre. Martin, il a commencé à écrire dans les années 90.
Comment dire ? C'est vachement moins excusable.
Pardon, mais c'est vachement moins excusable. Il y a pas l'excuse. Tolkien. C'est un catho tradi qui est né au 19e siècle dans une colonie anglaise et qui est professeur de langues anciennes à Oxford. En fait, pour son époque, légitimer la révolte adolescente d'Eowyn, c'est déjà révolutionnaire, en fait. De dire une ado qui désobéit à tous les mecs de sa famille pour aller à la guerre, c'est monstrueux comme révolte adolescente. Voilà. Pardon, mais Martin, il n'a pas cette excuse. S'il veut faire du sexisme dans un univers où il y a de la magie et où, pardon, mais tu peux tirer des boules de feu avec ton cul… Il a pas l'excuse de dire : c'est parce que les filles, ce sont des petites choses. Non, s'il met du sexisme, c'est parce qu'il veut mettre du sexisme, c'est parce qu'il veut mettre du voyeurisme sur le sexisme, parce qu'il veut faire souffrir ses personnages féminins en les mettant à poil et ainsi de suite.
[Betty Piccioli] Et comme dit Lionel, reproduire des schémas patriarcaux qu'on a déjà et dont on a pas besoin. Et je suis tout à fait d’accord pour dire qu’en tant qu'auteur, c'est un peu flemmard de faire ça, et on devrait faire mieux.
C'est, c'est ma prise de position sur le sujet. Et ben, merci pour cette manche bonus.
Vous allez voter et cette égalité va tomber. Morgan, tes arguments ont complètement payé. C'est jaune, c'est Tolkien. Bravo au Seigneur des Anneaux !
[Morgan of Glencoe] En vrai, merci, Betty, parce que c'est cette manche là pour moi qui était…
[Betty Piccioli] J'étais obligé de la mettre.
[Morgan of Glencoe] Sans ça, je pense qu'on faisait une belle égalité. Mais là…
[Lionel Davoust] Les méchants perdent toujours. C’est bien.
[Morgan of Glencoe] Les bébés phoques, on a gagné !
[Betty Piccioli] Honnêtement, je m'attendais pas à ce que ce soiti si rapproché. Je pensais que Tolkien allait être… qu'on allait finir sur un cinq, deux ou un truc comme ça.
[Morgan of Glencoe] Tu m'as mis Lionel en face.
[Betty Piccioli] Non, c’est vrai. Merci beaucoup, j'espère que ce format vous a plu.
Merci à nos intervenant·es. C'était très sympa.
[Générique]